Alors qu’il était considéré comme un simple « faiseur », Adrian Lyne trouve à travers L’échelle de Jacob son réel purgatoire cinématographique aux déviances fantastiques. Avec cette œuvre mentale, une sorte mélange des genres narratifs, le réalisateur prend un malin plaisir à triturer un univers paranoïaque et angoissant qui voit la peur s’installer dans l’esprit d’un homme hagard (Jacob Singer, interprété par l’excellent et imposant Tim Robbins) créant ainsi tout un univers flirtant vers la métaphore biblique et la dénonciation conspirationniste du système militaire américain. Avec sa mise en scène carrée mais onirique, le récit nous décrit les divers errements psychologiques d’un ancien soldat blessé lors de la guerre du Vietnam, devenu un petit postier et souffrant d’hallucinations démoniaques aux allures désarticulées et troubles.
Avec son esthétique angoissante jamais cheap et très marquée 80/90’s (Angel Heart d’Alan Parker par exemple), Adrian Lyne plonge son film dans une atmosphère dérangée par des visions cauchemardesque dans une ville urbaine et sombre où suinte le mal à chaque coin de rue. Les visions démoniaques se font de plus en plus insistantes (dans le métro, dans une soirée, dans une voiture) et Jacob Singer semble souffrir de troubles de la perception l’enfonçant dans une frontière très étroite entre folie et raison jusqu’au moment où il se rendra compte qu’il n’est pas le seul à subir ce genre de traumatismes à l’image de ses anciens camarades de bataillons retrouvés. La quête de vérité deviendra sa raison de vivre.
De plus, Adrian Lyne sait parfaitement coordonner ses effets de style en donnant une réelle froideur à ses incursions horrifiques donnant une réelle crédibilité à cette atmosphère anxiogène naissante (séquence de l’hôpital) mais sait également pondérer son script en se rapprochant des problèmes de son personnage à l’image de la peine causée par la mort de l’un de ses fils. Divagant dans un véritable tiraillement moral, le destin de Jacob Singer se rapproche d’un drame existentiel, de sa condition humain destituée par une guerre qui lui a laissée des séquelles irréparables malgré une élévation spirituelle possible. Rondement mené et efficace comme un pur divertissement d’angoisse, L’échelle de Jacob se révèlera particulièrement fin et malin dans la lecture de ses nombreuses interprétations où s’entremêleront habillement les notions d’enfer/paradis et vie/mort.