Voilà un film dont la sincérité n'a d'égal que sa vétusté, et si sous de nombreux aspects techniques et moraux il semble nous renvoyer à l'âge de pierre (la France des années 1920), la démarche de l'instituteur de village interprété par Bernard Blier conserve une bienveillance tout à fait tangible encore 75 ans plus tard. Le cadre est celui du lendemain de la Première guerre mondiale, dans la campagne française où tout est à reconstruire, à commencer par l'éducation des enfants dont certains ont perdu leurs parents. On est dans un petit village de Provence à la Pagnol (à la différence près que presque tout se déroulera à l'intérieur, dans les salles de classe, le bureau du maire, chez des artisans, etc.) et un jeune professeur (tellement jeune que Blier avait des cheveux) se lance dans une nouvelle méthodologie d'enseignement en opposition radicale avec la norme traditionnelle de l'époque — il s'agit d'une version romancée des débuts de la pédagogie de Célestin Freinet. Et "L'École buissonnière", ce sera essentiellement la réaction très réactionnaire de l'ensemble des notables du village, très peu sensibles à cette approche abandonnant le martinet pour favoriser la sollicitation de la curiosité des enfants.
Ce n'est pas un film que l'on regarde pour y trouver un discours construit sur l'éducation ni une profondeur psychologique quelconque, très clairement. Le scénario est gangréné par des codes d'écriture sclérosés, avec des situations très naïves et des résolutions de conflits qui le sont tout autant. La description de cet instit bienveillant, à l'écoute, qui emmène les enfants dans la nature, coche toutes les cases des stéréotypes de l'enseignant qui apporte sa petite révolution pédagogique pour changer tout avec un succès qui ne fait aucun doute. Bernard Blier, c'est un peu le Robin Williams dans "Le Cercle des Poètes Disparus", en moins crispant et plus sympathique quand même. Mais l'idée est là : un personnage qui bouscule le conservatisme ambiant, qui se heurte à un mur lorsqu'il veut dépasser la discipline communément admise, mais dont la patience et le savoir-faire soulèveront des montagnes et auront raison de tous les bad guys. Même le cancre de service obtiendra son certificat d'études, c'est dire.
Mais bon, au-delà de tout le côté vieillot, Jean-Paul Le Chanois fait preuve d'un idéalisme dont la naïveté renvoie à la nécessité d'une époque (l'après-guerre mondiale, première comme deuxième). C'est sans intérêt d'un point de vue analytique mais le plaidoyer qu'il contient pour esquisser les lignes de fracture de la société d'alors n'est pas sans charme, aussi désuet qu'il soit.