A pas discrets, Joachim Lafosse est en train de se forger une sacrée filmographie, et mis à part la sortie de route que repésente, selon moi, "Les Chevaliers blancs", il creuse son sillon, semble avoir dorénavant trouvé sa signature.
Son "Économie du couple" ( Quel merveilleux titre! ) aurait pu aussi s'appeler "Désaimer à perdre la raison", en résonance avec son magnifique opus de 2012.
Lafosse se démarque totalement de ses autres petits copains de jeu belges, semblant passionné par l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus sombre. A l'image d'un Haneke, son cinéma est celui de l'intime, il est peu sympathique, dérange, griffe, chatouille, grattouille.
Sa mise en scène est épurée, jamais à la recherche du « plan qui tue », il sait se servir à merveille du gros plan, qui en dit souvent plus que des mots, mais aussi, et il l'avait déjà pratiqué dans "À perdre la raison", il semble prendre un malin plaisir à utiliser le hors-champ tel un scalpel. Lorsque le pire se produit, nous ne le verrons pas, et l'effet dans nos tripes n'en sera que plus fort.
Avec lui, les mots se transforment en maux, ils fusent, font du spectateur un protagoniste à part entière, impossible de ne pas se sentir tantôt Marie, tantôt Boris, de ne pas souffrir, pleurer, se perdre avec eux. Lafosse utilise à merveille le quasi huis-clos pour enfermer ses personnages, et tels des sables (é)mouvants, la maison dévoreuse de couple, symbole de l'amour qui s'éteint, les aspire, nous aspire, les étouffe, nous étouffe.
Comme toujours chez Joachim, le casting est parfait, le talent de Bérénice Bejo nous explose au visage, elle ne joue pas Marie, elle EST Marie, cette femme qui souffre tant de ne plus aimer, Cédric Kahn est aussi puissant en tant qu'acteur que réalisateur, il ne joue pas Boris, il EST Boris, cet homme perdu, qui s'attache à son orgueil comme ultime rempart.
On sort de ce film un peu sonné, épuisé, ravagé même, tant le combat fut rude, tant les uppercuts furent violents, les crochets au foie firent mal.
Et si on m'avait dit qu'un jour je pleurerais en entendant la "Bella" de Maître Gims...