Qui sème le Vian...

Difficile de noter ce film étrange et décalé, adaptation d'un roman bizarre, qui laisse une impression très... déconcertante!
Et en cela le film est un succès, puisque le livre de Boris Vian était réputé inadaptable, cependant Michel Gondry est parvenu à mettre en image cet univers si particulier, tout en lui apportant sa patte personnelle : déjà un petit exploit en soi.

Pourtant "L'écume des jours" n'est pas exempt de défauts, à commencer par sa distribution, beaucoup trop inégale. On a le sentiment que le casting est une juxtaposition de têtes d'affiche bankable sans véritable cohérence. Pour ma part, je n'ai été convaincu ni par Audrey Tautou (agaçante), ni par Omar Sy (débonnaire), encore moins par Charlotte Le Bon (hystérique).

En fait c'est la direction d'acteurs qui semble déficiente, on constate un sur-jeu constant, et même si j'imagine bien que l'effet est volontaire, ça reste gênant. D'autant que certains dialogues paraissent improvisés, avec une interprétation très brouillonne lors de plusieurs scènes...

Autre défaut gênant, le film est trop long, certains passages auraient sans doute pu être élagués.

Reste malgré tout un film singulier, intense, troublant, surréaliste, auquel on repense bien après le visionnage. On y relève notamment quelques morceaux de bravoure inoubliables, comme la séquence ultradynamique du mariage, ou encore le meeting d'un Jean-Sol Partre de pacotille, qui dégénère en massacre.

De fait, la charge politique, sociétale, existentielle du tandem Vian - Gondry se révèle brutale.
Les institutions religieuses, militaires, intellectuelles sont habilement ridiculisées et certaines images restent en tête pour longtemps. J'entends encore la voix sépulcrale de Philippe Torreton scandant mécaniquement "l'homme-sandwich"...

Au final, une majorité des amateurs éclairés de Boris Vian et du roman devraient apprécier l'adaptation de Gondry ; pour les autres, les plus nombreux, je crains qu'ils ne restent un peu à l'écart du délire.
Sacré film quand même, qui plusieurs fois m'aura évoqué le formidable "Brazil" de Terry Gilliam.