Douze ans après le succès critique et commercial de La Marche de l'empereur, jalon majeur dans le courant alors tout récent des documentaires animaliers sur grand écran destinés au grand public, Luc Jacquet est retourné en Antarctique. Plus sobrement intitulée L'Empereur, cette soi-disant suite, qu'il convient mieux de considérer comme un complément, n'est en aucun cas un remake moderne du précédent. Certes, les avancées technologiques des dernières années, notamment en termes de définition et de nombre d'images par seconde, offrent des images encore plus somptueuses, que l'abus de ralentis ne gâche qu'à peine.
Mais c'est surtout par son orientation narrative que ce nouvel opus diffère du précédent : là où La Marche insistait sur la nécessité de protéger le précieux œuf des conditions extrêmes de l'hiver sur la banquise, et présentait les techniques utilisées par les manchots, L'Empereur s'intéresse aux défis rencontrés par le poussin, de ses premiers instants d'existence à l'état embryonnaire sous la coquille à ce premier plongeon dans l'océan, symbole du passage à l'âge adulte. Bien servie par la belle voix grave et posée de Lambert Wilson, la narration se veut imagée, poétique, parfois lyrique, mais jamais scientifique. En effet, à part quelques généralités du style « il fait très froid en Antarctique » et « le manchot passe plusieurs mois sans manger », aucune donnée précise n'est lâchée. C'est là toute la force de ce storytelling, si on le considère L'Empereur du point de vue de ses producteurs et distributeurs (parmi lesquels la Walt Disney Company) : une belle histoire bien racontée, susceptible d'émouvoir le plus grand nombre. On garde en mémoire quelques scènes marquantes, comme l'attaque des pétrels géants, ou la longue marche de ces adolescents survivants, irrésistiblement attirés vers cet océan jamais vu.