Considéré comme le premier film pornographique d'auteur, L'Empire des sens fait passer les réalisations de LVT pour frileuses et pudiques.
Sans même voir le film, on peut se poser plusieurs questions et en débattre : que peut-on montrer à l'écran? quelles sont les limites de l'art? quelle est la frontière entre érotisme et pornographie?
Techniquement - me semble-t-il - une pénétration montrée plutôt que suggérée fait basculer un film dans la zone du X. Donc, L'Empire des sens est bel et bien un film pornographique.
Mais si on passe outre ce fait, et qu'on s'attarde sur le propos du film (le sexe et la mort sont intimement liés, le sexe n'est plus un plaisir mais une obsession), on réalise que l'Empire des sens n'est pas juste un film pornographique dénué de profondeur (sans mauvais jeu de mots).
En voyant ce film, une déclaration du cinéaste polonais Walerian Borowczyk m'est venue à l'esprit :
Eroticism, sex, is one of the most moral parts of life. Eroticism does not kill, exterminate, encourage evil, lead to crime. On the contrary, it makes people gentler, brings joy, gives fulfillment, leads to selfless pleasure.
Bien entendu, le film de Nagisa Ōshima va bien au-delà de l'érotisme, et son regard ne glorifie pas l'acte charnel, ne cherche pas vraiment à éveiller nos sens, et c'est d'ailleurs toute la contradiction de ce film pornographique d'auteur.
L'idée, cependant est de montrer que le sexe à l'écran choque, gêne, indigne alors que la violence elle est souvent glorifiée, car dans un sens cathartique. J'ai comme l'impression que la violence est davantage tolérée par le public - et même la censure - que le sexe, et dans une moindre mesure la nudité.
Je n'ai pas passé un bon moment devant L'Empire des sens, j'avais presque l'impression d'être au Royaume de l'ennui, mais je me dois pour autant de souligner l'audace du réalisateur/scénariste qui s'inspire d'un fait réel sordide. Censurer ce film (ce fut le cas dans de nombreux pays, dont le Japon), c'est le censurer pour ce qu'il représente, non pour ce qu'il est.
Toutefois, il y a quelque chose qui me préoccupe vis-à-vis de ce film : la santé physique et mentale des acteurs, et principalement celle de l'actrice principale (comme pour La vie d'Adèle). Les souffrances qu'elle a dû endurer! Et de penser à cela remet en question tout ce que je viens d'évoquer auparavant. C'est leur métier, je le conçois, mais souvent dans le regard, on voit que ce n'est plus du jeu, mais de la réelle souffrance.
Encore une fois, L'Empire des sens n'a pas le monopole des tournages difficiles (quid d'Apocalypse Now dans un autre registre ou Cannibal Holocaust?) mais explique bien des réactions à sa sortie, et encore aujourd'hui.
Les uns crient au chef-d'œuvre, les autres à l'arnaque, au navet. Je suis tout à fait partagé, en témoigne ma note.