Emmanuel Mouret, diplômé de la Fémis, nous présente son dernier long-métrage, une adaptation de l’histoire de Madame de la Pommeraye issue du conte philosophique de Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître (1796).
Madame de la Pommeraye (Cécile de France) succombe aux charmes du marquis des Arcis connu pour être un grand séducteur et pour qui les relations amoureuses sont éphémères. Ce dernier finit par se lasser (comme toujours), malgré les promesses faites à Madame de la Pommeraye. Trahie et affligée, la marquise va souhaiter se venger pour que justice soit faite.
Esthétique et délicat
Tant dans sa réalisation que dans son écriture, le film est délicat et esthétique.
Tout d’abord, l’usage soutenu de la langue française vient embellir et assainir le propos du métrage. Puis, la réalisation soignée vient sublimer les acteurs et conjuguer la beauté et la profondeur philosophique des dialogues. En effet, certains trouveront une superficialité dans les dialogues, mais je ne peux pas être d’accord : c’est l’art de discourir qui est mis en avant.
Les décors magnifiques vont de pair avec les costumes somptueux (César des Meilleurs Costumes pour Pierre-Jean Larroque). Je pense notamment aux couleurs des robes qui se marient parfaitement avec les couleurs des décors qui les entourent (les murs du château, les arbres du jardin extérieur).
Cette délicatesse est intéressante à analyser à travers les scènes sensuelles. Déjà, le réalisateur a beaucoup recours au plans-séquences, et évite les gros plans. Typiquement, l’unique scène où Madame de la Pommeraye et le Marquis s’embrassent, est filmée dans un grand angle, et donc le spectateur n’aperçoit aucun détail, juste deux silhouettes s’embrassant. Puis, plus tard dans le film, l’acte sexuel n’est pas explicitement filmé, mais implicitement supposé. Édouard Baer et Cécile de France sont sur le canapé en train de lire, puis il pose le livre et prend celui de la marquise et le pose également. Ils se sourient, s’approchent, puis la caméra s’éloigne des deux protagonistes, puis on assiste à un fondu au noir. La délicatesse et l’esthétique passent par une mise en scène très pudique quand il est question des relations physiques entre les individus.
Un casting de qualité
Édouard Baer (connu du grand public pour son rôle culte d’Otis dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre) m’a progressivement convaincu dans son interprétation, il est de plus en plus performant à mesure que le film avance.
Cécile de France est gracieuse, sublimée par les costumes, le maquillage et la lumière. Son jeu théâtral est admirable.
Quant aux seconds rôles, le choix des acteurs a été très pertinent (très belle performance de Laure Calamy notamment).
Un tel film est réussi surtout grâce au jeu de ses acteurs, c’est le cas ici.
« L’amour est une offense pour ceux qui en sont dépourvus »
Cette réplique énoncée, au début du film par Cécile de France donne le ton du film, dans la forme et dans le fond.
Au moment de l’énonciation de cette phrase, Madame de la Pommeraye est éprise du marquis, et vit un rêve éveillé.
Cette réplique prend davantage de sens à la suite du film, car elle s’appliquera à celle qui l’a annoncée : une forme de karma.
Dans la forme, cette phrase est à l’image du film : délicate, partiale et sournoise.
La Femme : au coeur de l'intrigue
Ce film met la Femme en position de force bien que les femmes dans le film soient souvent les « victimes » d’une société où un homme libertin est un grand séducteur, tandis qu’une femme libertine est une « putain ».
Le réalisateur développe ces personnages en jouant sur l’ambiguïté, une ambiguïté qui sert avec brio le sujet du film. Clairement, la figure de la femme est un personnage à part entière.
Alice Isaaz, interprétant Mademoiselle de Joncquières impressionne dans son jeu très expressif. En effet, elle ne discourt pas beaucoup, mais sa présence se fait ressentir. De son allure frêle se dégage une aura déconcertante.
Le film est ainsi très beau, à l’image des dialogues accompagnés d’une bande-son harmonieuse et de l’environnement de ce dernier. On pourra reprocher au métrage d’avoir un contenu inégal tant la première partie du film est longue et contemplative. Le film peut sonner faux au début, quand notre oreille n’est pas habituée à entendre des dialogues avec des termes aussi soutenus.
En fin de compte, c’est un film qui amène à philosopher tant les interactions entre les individus sont profondes, qui amène à rêver tant le cadre de l’histoire est fastueux et qui amène à apprécier notre langue française tant elle est riche.
Ce film n’est pas un coup de cœur, mais une belle surprise.