Tout le cinéma d'Emmanuel Mouret est contenu dans le titre de l'un de ses films : L'art d'aimer. Il y est toujours question de raison et de sentiments et parfois de ressentiment comme dans Mademoiselle de Joncquières, son premier long-métrage en costumes, un genre manifestement taillé sur mesure pour sa plume et sa caméra. Le passage de Jacques le fataliste dont le film s'inspire est contemporain des Liaisons dangereuses, il est impossible de ne pas y voir certaines concordances dans des histoires où l'intelligence féminine bat en brèche celle des mâles (et c'est fort réjouissant, ma foi). Tout ou presque dans Mademoiselle de Joncquières respire la grâce : les décors, intérieurs ou extérieurs, certains plans rappelant avec délicatesse Fragonard ou Watteau ; la fluidité d'une mise en scène toujours à la bonne distance ; des dialogues ciselés qui font admirer l'élégance et la finesse de la langue française (qu'on a tendance à oublier vu la maltraitance que lui fait souvent subir le cinéma hexagonal). Le scénario est volontairement prévisible, laissant souvent un coup d'avance au spectateur par rapport aux personnages du film, cela pourrait être agaçant, c'est simplement charmant. Et puis il y a les stradivarius de l'interprétation que sont Cécile de France et Edouard Baer, ce dernier littéralement divin dans des facettes de jeu très diverses. Et n'oublions pas Alice Isaaz, déjà remarquée dans Espèces menacées et La surface de réparation, dont le potentiel est prometteur. Spectacle raffiné, parfois théâtral, mais dans le bon sens du terme, Mademoiselle de Jonccuières s'impose comme le meilleur des 9 films d'Emmanuel Mouret.