Je désirais voir ce film. J’ai aimé ce film. J’aurais apprécié ne voir que ses qualités.
J’aime les choses qu’on dit, mais apprécie davantage les choses qu’on fait. Et justement, là où le dernier film d’Emmanuel Mouret m’a enchanté, c’est dans les choses qu’il fait, moins dans ce qu’il dit.


Au premier abord, le long-métrage semble agaçant, les personnages d’abord sont des bobos parisiens, avec des situations enviables et des physiques désirables. Maxime (Niels Schneider) est un écrivain pas à la hauteur de ses ambitions (tiens donc…), Daphné (Camélia Jordana) est elle une hédoniste romantique.
Les personnages de Mouret, principaux comme secondaires sont énervants, mais si humains.
En effet, le réalisateur a tendance à partir dans des envolées lyriques, qui bien que belles sonnent faux dans la bouche des personnages. Les relations entre les différents caractères du film sont authentiques, humaines et profondes, à quoi bon charger de mots ce qui souvent est mieux exprimé par des silences. À l’image de Mademoiselle de Joncquières qui semblait souvent trop littéraire, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait évoque à la perfection les sentiments : l’amour, le désir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Maxime désire écrire des histoires de sentiments, des « histoires d’amour » selon Daphné.


Puis, on réalise que ce film est un enchantement. C’est rare d’entendre parler des sentiments avec autant de justesse. Déjà avec son précédent film, le diplômé de la Femis m’avait surpris, mais là il a pris une toute autre dimension. Il y a les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, mais il y a aussi les choses qu’on évoque. À bien des égards le film de Mouret évoque Truffaut (Jules et Jim et la voix-off très littéraire), Sautet (Les choses de la vie, et l’adultère), parfois même Woody Allen (des histoires d’amour et d’adultère qui s’entremêlent) ou encore Kundera (L’insoutenable légèreté de l’être). Au bout du compte, la légèreté de ces âmes volatiles s’assombrit face à la gravité des moments de vie liés à des choix, et au hasard. Emmanuel Mouret nous pose une question fondamentale : les rencontres que nous faisons découlent-elles de nos choix rationnels ou s’inscrivent-elles dans un destin qui échappe à notre entendement ? Lui-même ne sait pas y répondre, même s’il nous donne des pistes. Au vu des événements, Daphné et François (l’agneau Vincent Macaigne) étaient faits pour être ensemble, et surtout pour finir ensemble. Le fameux « meant to be ».

Leur rencontre est dû à un enchaînement de choix rationnels des personnages, donc ce n’est pas tant un hasard, si ? Nos choix inconscients sont-ils à la merci de notre destin ?


Enfin, la grande force du film réside dans la façon dont les personnages sont dépeints. Au premier abord, je disais qu’ils semblaient agaçants, mais honnêtement et c’est ce qui ressort du film : Emmanuel Mouret aime ses personnages, il aime les voir se désirer, se frotter à l’amour sans jamais savoir si la frontière entre le désir et l’amour a été franchie.
Les personnages sont désireux d’amour, mais esclaves de leurs désirs. Ils tentent de se contrôler, de ne pas laisser les pulsions l’emporter mais les bisous fougueux et passionnés prouvent qu’ils sont faibles face à leurs désirs. On ne psychanalyse pas les individus, on témoigne de leur inconsistance. C’est donc un pari réussi pour le réalisateur/scénariste qui souhaitait que ce film soit une « ode à l’inconsistance ».


Emmanuel Mouret semble se surpasser, mais surtout nous enchanter avec les choses qu’il écrit, les choses qu’il réalise. Rarement les choses de la vie ont été si bien représentées, avec poésie mais également intériorité. Oui, l’intériorité est une arme cinématographique qui est trop souvent laissée à la caserne. Emmanuel Mouret est un cinéaste de l’intime, qui malgré une surutilisation de la musique (les violons qui nous indiquent quand il faut ressentir des émotions) réussit à nous dévoiler l’insoutenable légèreté de l’être.


NB : en cette période de crise sanitaire et de distanciation sociale, ça fait bizarre de voir des gens (à l'écran) se faire la bise.

sachamnry
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le 16 sept. 2020

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