Union des Républiques Socialistes Soviétiques pendant la seconde guerre mondiale, ou la grande guerre patriotique comme il l'appelle là-bas. Pourtant rien de patriotique dans le premier film de Tarkovski qui décide de filmer la guerre à une toute petite échelle, à travers les yeux d'Ivan, un gamin de 12 ans.
Mais Ivan n'est plus un gamin, sa mère et sa sœur ont été fusillées sous ses yeux, il a vécu parmi les partisans, et maintenant il espionne les positions allemandes pour le compte de l'armée rouge. On pourrait s'attendre à ce que ce petit homme vivant parmi les grands soit devenu la mascotte du régiment. Il n'en est rien. C'est un soldat comme les autres, il vit avec un petit groupe d'officier, partage leur gamelle et discute stratégie avec eux. Ils l'ont adopté un peu sous la contrainte, parce que c'est qu'il a déjà du caractère. Le petit Ivan n'en démord pas, il veut servir dans l'armée, et il se débrouillera toujours pour retourner sur le front.
La guerre est uniquement présenté par le prisme de ce petit groupe. On ne voit quasiment aucun autre soldat soviétique, bien que leur présence soit souvent suggérée. De même pour les soldats allemands qui sont postés de l'autre côté du fleuve, faisant peser une menace permanente sur les soviétiques, sans jamais se dévoiler. Quelques coup de mitraillette, quelques obus, et des fusées éclairantes, ce sera la seule preuve que nous aurons de leur présence. Je dois dire que je ne m'attendais pas un film de propagande, mais je ne m'attendais pas non plus à un tel minimalisme. Ce qui est un peu à l'image de l'ensemble du film : déroutant.
Minimaliste, peut être. Mais aussi très symbolique. A travers le portrait d'Ivan c'est une génération sacrifiée que dépeint Tarkovski. Une génération qui a dû grandir rapidement, mais qui s'est retrouvé tiraillée entre l'enfance et l'âge adulte. Comme Ivan qui joue à la guerre quand il se retrouve seul, ou bien repense à son enfance heureuse comme à un souvenir lointain qu'il ne veut pas voir s'effacer.
Tarkovski réalise un premier film sobre et poétique, teinté de surréalisme, et rythmé par quelques séquences oniriques dans lesquelles il teste ses mouvements de caméra qui feront en grande partie l'originalité de son style. Une histoire pudique qui prend place dans une guerre filmée à hauteur d'homme, exempte de tout héroïsme et de tout patriotisme triomphant. A l'image de la dernière séquence présentant les effusions de joie au moment de l'armistice comme quelques choses de malvenu au vu de ce Berlin en ruine, et tout de ses morts, innocent ou non. L'Enfance d'Ivan est un film d'une grande justesse véritablement indispensable.