Nobuo Nakagawa est connu à Nihon pour ses élucubrations horrifiques dans les années 50 et 60. Il a en effet adapté quelques kaidan fameux, toujours dans un style particulier. Le Manoir du Chat Fantôme (1958) est un bel exemple de ce mélange folklo-expérimental de Nakagawa. Le Bakeneko, valeur sûre de l'horreur nippone, trouva ainsi une belle adaptation. D'une époque à l'autre, du noir et blanc à la couleur, les apparitions font leur petit effet, sombres, frontales, sanguinolentes ou dansantes, dans un style théâtral et baroque. Autre adaptation d’une histoire incontournable dans la culture japonaise : Histoire de Fantômes Japonais ou Tōkaidō Yotsuya Kaidan (1959). Ce kabuki intemporel (Yotsuya kaidan donc) a connu multiples adaptations dans le cinéma nippon, et celle de Nakagawa a une belle réputation dans le genre. Il faut dire que ses trouvailles esthétiques sont assez mémorables et colorent la rétine. D'ailleurs, si vous voulez voir un jeune Tatsuya Nakadai dans le rôle fou de Lyemon dans un remake, c'est ici: Fantômes Japonais.
En 1960, arrive Jigoku : chant du cygne du studio Shintoho qui a produit la plupart des films d'horreur de Nakagawa a cette période. Le film dépeint une descente aux enfers, au sens propre et figuré. D’abord dans la vie, un accident entame la cascade de malheurs qui s’abattent sur Shirō (Shigeru Amachi très bien dans son rôle de gars un peu paumé). La culpabilité le ronge mais rien ne semble pouvoir le sauver et tout le mène à un destin funeste, accompagné de son "ami" Tamura, un mystérieux personnage (un démon ? une part de lui-même ?). Autour de lui, il y'a une belle panoplie de pécheurs qu’il retrouvera donc dans l’au-delà. Car là est tout l’intérêt du film. Après une fête qui tourne à l’orgie funèbre, nous passons avec Shirō à une visite guidée des Enfers selon les concepts buddhistes. Cette représentation du Jigoku par Nakagawa est sombre, surréaliste, gory, teintée de rouge éclatant, de boue, de folie… L’homme ne peut se soustraire aux punitions divines semble-t-il. L’imagerie assez avant-gardiste de l’horreur et son atmosphère étrange et expérimentale lui ont valu d’être aujourd’hui cité comme un film culte du genre, et on peut aisément en comprendre les raisons. Malgré ses faiblesses dans la narration et son aspect un peu cheap, le côté légèrement abstrait et psychédélique de Jigoku lui confère un certain charme qui marche toujours aujourd’hui.
Un peu plus tard dans la filmographie du cinéaste, Snake Woman’s Curse (1968) explorera encore les cas de conscience dans le kaidan-eiga, cette fois-ci dans une forme un peu plus sobre.
Nobuo Nakagawa, père du cinéma d’horreur japonais, a su marquer son époque par son style original dans un genre pas toujours reconnu. Son Enfer aura au moins traversé les frontières et le temps pour devenir un culte créatif qui a sûrement influencé le genre jusqu’à nos jours.