Chacun pour soi et Dieu contre tous.
Avant de commencer, je tiens à dire que le titre original (Jeder für sich und Gott gegen Alle : Chacun pour soi et Dieu contre tous) est bien plus significatif que L'Énigme de Kaspar Hauser, énigme qui reste à mon sens accessoire dans le récit. Je passe aussi sous silence le fait que Bruno Schleinstein ait 42 ans alors que son personnage est censé en avoir 18 (selon la légende) parce que c'est pas très important. Ah, et je hais le canon en ré de Pachelbel. Dommage, parce que l'herbe qui danse et la citation qui va avec, c'est bien. Bref, allons-y, Alonso.
Kaspar est en quelque sorte un automate qui apprend jamais vraiment la logique du monde qui l'accueille ; en contrepartie, les gens qui s'occupent de lui restent pour la plupart hermétiques à sa façon de penser, la jugeant souvent inadéquate (la pomme fatiguée qui dort dans le gazon ; le cachot plus grand que la tour où il se trouve ; la grenouille pour savoir qui vient du village des menteurs, etc).
Kaspar exécute : il apprend à parler, à manger, à marcher, mais fait tout ça sans le moindre naturel. Par son caractère mécanique, il rend visible les ficelles qui permettent à la société de tenir en place.
La mécanique en question suinte de tous les pores du film puisqu'on en vient à voir évoluer des personnages froids et artificiels dans un flot d'images mal rythmé. Les acteurs ont quelque chose de rigide et de plastifié qui rend l'immersion impossible. Jumelés à ça, des plans fixes, qui, je suppose, se veulent porteurs d'un certain réalisme, d'une certaine intimité ; ces plans fixes ont plutôt un côté pénible, car ils figent le spectateur, le clouent à des personnages qui prennent vie plus que difficilement.
Le film est silencieux, aussi. Ici, ça dénude l'ensemble, le vide, même. Peut-être que c'est ça qui fait de Kaspar Hauser un étranger. Peut-être qu'il perçoit les silences lourds, la robotique des relations et que c'est pour ça qu'il rejète en quelque sorte ses "bienfaiteurs" (qui le voient comme un fardeau fiscal et dont ils aimeraient bien qu'un noble anglais en mal de reconnaissance s'en occupe ; Kaspar est un peu une bête pour eux, même si c'est pas explicité. Il préfère les animaux aux hommes, qu'il voit comme des loups méchants et pas beaux), préférant à leur charabia sa cave, où il semble pas souffrir du tout. Pour lui, la vie qu'on lui impose, la vie "normale" est difficile comme l'ascension de cette montagne rocailleuse au sommet de laquelle attend la mort.
N'empêche que Bruno Schleinstein devient agaçant à force de détacher ses mots comme il le fait et que les autres acteurs sont pas tout le temps crédibles (ou alors ils m'énervaient sans raison). Le greffier est lourd et la dernière scène, où il se trouve, est digne d'un film de série Z.
Herzog a aussi cru bon d'insérer des images d'autres films dans le sien. Parfois, ça fonctionne (le désert et la montagne), mais souvent, c'est inutile (la "scène" précédent le texte visant à révéler le contexte a absolument aucune fonction et puis le morceau qu'on entend par-dessus est coupé trop brusquement). En somme, je me suis plutôt ennuyé (c'est sûrement dû à l'impression que j'ai d'avoir vu un film désarticulé, mal rythmé et sec ; l'histoire a rien de passionnant non plus).