En s’attaquant au mythe de Gaspard Hauser, Werner Herzog s’attache moins à la réalité historique qu’à la spécificité du fait divers et ce qu’il symbolise. L’acteur est trop âgé pour le rôle (Gaspard Hauser n’avait que 17ans). Herzog détourne même le récit en occultant certains détails connus laissant un certain nombre d’interprétations sur le cas Hauser. Il ne stipule qu’un seul mot trouvé sur lui, induit le fait religieux (livres de prière dans es effets) et raccourcit son parcours, ne lui donnant qu’un seul protecteur. On pense de suite à une similarité avec « L’enfant sauvage » de Truffaut. Mais la comparaison s’arrête là. Herzog touche ici à ce qui motive son œuvre, le destin contrarié, l’échec de l’homme, la déraison. Il se sert habilement de cette histoire pour illustrer en quelque sorte « l’allégorie de la caverne » de Platon. Il en décrit toutes les étapes qui vont le faire passer du stade des acquis primitifs à celui de la connaissance, de l’enfermement avec absences de repères réels à la découverte du monde et la souffrance que cela entraîne. Comme pour les captifs de Platon, Gaspard, malgré l’éveil à la vie et l’éducation reçue, résiste, puis se résigne. Comme eux, il se fera assassiner par un inconnu, sorte de parabole qui veut que le meurtrier soit de son monde, celui des « obscurs ». Herzog distille son raisonnement à travers même de l’image, les paysages apparaissant comme factices, irréels. Il met en avant l’individu qui a du mal à se confronter à la vie normalisée. Entre « Aguirre, ou la colère des dieux » et « Fitzcarraldo », « L’énigme de Gaspard Hauser » est emblématique de l’œuvre de ce cinéaste de la réflexion. Plus de trente ans après sa sortie, le film est toujours aussi intense. Cela tient en partie à l’interprétation inouïe de Bruno Scheinstein, mais peut-on parler ici de jeu tant il donne l’impression de reposer sur un vécu. Un immense film trop méconnu hélas.