Un récit parfaitement aligné avec la fibre de Capra, avec des thématiques politiques (un idéaliste confronté à la pratique peu vertueuse) qui font énormément penser au "Mr. Smith Goes to Washington" réalisé 10 ans plus tôt. Cette fois-ci le ton est beaucoup plus acide, amer et cynique : il est question de manipulation, de contrôle et d'arrivisme puissant dans la course à la présidence du parti républicain. Le trio de tête est alléchant sur le papier : Spencer Tracy remplace James Stewart dans le rôle de l'idéaliste (ici un industriel qui n'était pas destiné à la politique) qui tente tant bien que mal de maintenir un cap intègre, Katharine Hepburn est sa femme au sein d'un mariage en perdition, et Angela Lansbury incarne une directrice de publication aux dents longues et aiguisées, qui contrôle d'une main de fer son groupe dès la mort de son père.
Mais dans cette adaptation théâtrale, le trio ne fonctionne que très peu : le perte de valeur de Tracy, ainsi que son tempérament de jeune loup (à grand renfort de séquences de pilotage acrobatique pour bien montrer qu'il est resté chien fou), suit une logique très programmatique, et bien au-delà des automatismes de l'écriture de Capra ; sa femme, dont il est séparé, accepte de revenir vers lui pour jouer le rôle classique de l'épouse aimante et dévouée, mais à aucun moment ce sacrifice ne paraît justifié ; et enfin l'ambitieuse directrice d'un grand groupe de presse, sans doute le personnage le plus crédible dans la perfidie qui l'anime et la froideur de son visage.
Le riche industriel poussé vers la candidature par une personne sans scrupule, qui découvrira sur le tard toute l'hypocrisie des rouages d'un tel milieu : on reconnaît Capra de très loin, dans la description de la machine politique et dans le douloureux renoncement aux idéaux du protagoniste. Le discours final, 100% revirement de bord, en deviendrait presque une caricature. En marge de ce désagrément, on peut regretter l'absence de tact pour relier les problèmes privés et publics, le couple et le candidat. Thématique à la Capra par excellence, l'homme censé être pur qui perd ses idéaux et finit in extremis par les retrouver grâce à l'amour... Ici sur un substrat de satire, toutefois. Une Amérique où pullulent les cyniques, les mesquins, et l'absence de scrupules. Un peu trop de facilités d'écriture et de raccourcis psychologiques, ceci dit.