Je n'ai pas vu grand chose (rien) de Bellocchio. Il est encore temps de se rattraper.
Pot de terre contre pot de fer
A l'époque de cette terrible histoire, les états pontificaux sont assez puissants. Ils vivent grâce à la générosité de certains trésoriers (dont un certain Rotschild...), et leur territoire ne s'arrête pas au Vatican : il monte jusqu'à Bologne et descend jusqu'à Terracina, à mi chemin entre Rome et Naples. A Bologne, justement, il semblerait qu'un enfant juif ait été baptisé par sa nourrice en cachette. Argument à l'époque recevable pour que le pape décide d'enlever cet enfant (ce n'est pas le seul) afin de le convertir. Que peut une famille juive contre la toute puissance papale ? et même que peuvent les organisations juives contre la toute puissance papale ? Rien. Le pape, représentant de Dieu sur terre, fait ce qu'il peut. Ceci est une histoire vraie.
Un peu d'Histoire autour de l'histoire
Ce film est pour moi, l'occasion de vivre un peu de l'intérieur la transition d'une Italie morcelée en micro état vers la création d'une république unie à travers la conquête de Bologne puis de Rome. A l'époque, la République et le Vatican n'étaient pas très copains. C'est aussi l'occasion de comprendre le sort réservé aux juifs en Italie (mais pas seulement, sans doute à peu près partout) : pas plus qu'un antisémitisme tolérant (oui, ces deux mots juxtaposés peuvent choquer) d'une puissance qui veut se montrer magnanime.
Show-off et dépouillement
C'est l'histoire d'une conversion forcée. L'enfant va grandir en oubliant sa famille, ses prières en hébreu et va se convertir entouré d'hommes d'église attentifs en même temps que dans la crainte d'un Dieu catholique. Cette tragédie est nimbée d'un travail formel particulièrement élégant. Le décorum du Vatican, ces églises à la fois majestueuses et morbides (après tout, chacune dispose de son christ mort sanguinolant après d'affreuses souffrances), ces habits d'ors et de rouge vermillon, ou bien strictement noirs, tout est là pour affirmer la puissance de l'Eglise catholique. C'est une des grandes réussites de Bellocchio. La restitution de l'époque mais aussi de ce sentiment d'écrasement, d'impuissance. C'est grâce à ça que le film prend corps : la mise en opposition de cette puissance mirifico-morbide et d'une vie simple d'une famille juive ni riche ni pauvre.
Ce n'est évidemment pas un film d'action. C'est un film passionnant par le choix de son sujet et par une puissance formelle évidente.