La veine historique des œuvres de Marco Bellocchio a toujours été féconde et, si L'Enlèvement n'a pas la puissance de frappe de Vincere, par exemple, il ne fait pas moins preuve d'une maîtrise formidable dans un récit relatant des faits datant du milieu du XIXe siècle, peu ou pas connus, de ce côté-ci des Alpes, en tous cas. Cette conversion peu catholique d'un garçon juif, que nous conte le cinéaste, est prétexte à dénoncer les agissements éhontés de l’Église, en des temps où l'unité italienne va enfin se concrétiser, en réduisant le pouvoir de l’État papal. A cet égard, le portrait de Pie IX est particulièrement marquant, monstre de vanité et de morgue. De même que la scène de ses obsèques, morceau de cinéma époustouflant. Mais au-delà de la pompe, des ors et du cynisme de la religion, le film s'attache aussi au parcours de cet enfant arraché à ses parents et manipulé pour en faire un mouton catholique. L'Enlèvement brille à la fois par son lyrisme, à la limite de l'excès, et par son caractère profondément intime, avec les contradictions d'une âme chahutée par le destin. A 80 ans passés, et notamment depuis 2 décennies, Marco Bellocchio n'en finit pas d'étonner et d'émerveiller, par sa capacité à évoquer les sujets les plus caractéristiques de la société italienne, quelle que soit la période historique qu'il traite, avec une force visuelle et narrative sans beaucoup d'équivalent parmi ses collègues cinéastes, tous pays confondus.