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La perfection atteinte par Rapito résulte de sa capacité à rassembler, d’un même mouvement artistique, le passé et le présent, les Chrétiens et les Juifs ainsi que les spectateurs, qu’ils soient cinéphiles ou non, en témoignent la fluidité et la lisibilité du récit. Marco Bellocchio redouble chacune de ses images, lui compose un double inversé de sorte à figurer à l’écran la dualité qui tiraille de l’intérieur Edgardo, égaré entre deux familles, entre deux villes symboliques (Bologne comme berceau de la contestation, le Vatican comme siège de la papauté), entre deux religions disposant de leurs croyances et de leurs traditions respectives : une scène le montre d’abord caché sous la robe de sa mère, soucieuse de protéger son fils de l’inquisiteur ; une autre, au milieu du film, reproduit cette localisation sous la robe du pape cette fois lors d’une partie de cache-cache, jeu auquel s’adonnait d’ailleurs le protagoniste alors âgé de six ans.

Le cinéaste italien parvient à articuler la reconstitution historique, minutieuse dans le détail de ses lieux, de son éclairage et de ses costumes, et l’onirisme tour à tour merveilleuse – la guérison miraculeuse du Christ décrucifié – ou satirique, caricatures de presse à l’appui ; il impose une liberté de ton appréciable, subordonnée à une élégance de chaque plan, tout en dialoguant avec d’autres œuvres en lien avec persécution et exactions religieuses, notamment Silence de Martin Scorsese (2016), avec ce plan final sur les mains divulguant une croix, preuve de la foi véritable du prêtre jésuite, dont Bellocchio semble se souvenir lors des funérailles d’un enfant. La superbe partition musicale de Fabio Massimo Capogrosso accentue les changements de registre et de rythme. La complexité du personnage d’Edgardo conjure tout manichéisme et restitue la puissance de conversion et d’emprise de l’Église catholique certes, mais plus généralement encore de toute instance adulte qui se sert des plus jeunes pour asseoir son autorité. Un chef-d’œuvre reparti hélas bredouille du festival de Cannes en 2023.

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le 12 août 2024

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