Les ravisseurs de l'écrivain célèbre Michel Houellebecq ne sont pas précisément des pieds nickelés; s'ils opèrent à visage découvert et sans aucune précaution, c'est parce que le sujet de Guillaume Nicloux ne revendique aucun réalisme. Surtout que le cinéaste ne donne aucune raison (pourquoi, pour qui) à ce rapt burlesque. Et le réalisateur de pousser l'audace jusqu'à faire un acteur d'une personnalité qui n'apparait pas la plus qualifiée à priori.
Coup de génie -reconduit dans deux autres films à ce jour, encore plus réussis- car Houellebecq, en jouant à peine, pour ne pas dire en restant lui même, c'est-à-dire, lunaire, égaré, détaché, fait un personnage drolatique. En face lui, ses kidnappeurs aimables et attentionnés sont bien caractérisés et assez impayables eux aussi. Insensiblement, la détention de Houellebecq, déjà à peine coercitive, tourne quasiment à la villégiature, entretenue par des apéros, des bribes de conversations très prosaïques ou bien inattendues, littéraires ou philosophiques, et en définitive par une camaraderie que la sensibilité saugrenue des ravisseurs entretient.
La comédie est une bouffonnerie que son humour décalé, pour peu qu'on le partage, son second degré, pour peu qu'on le comprenne, et ses dialogues bien écrits maintiennent dans la facétie sans vulgarité, sans éclats de mauvais goût ni traits épais. Une vraie prouesse compte-tenu du sujet.