Houellebecq est l'un des plus grands écrivains français - ou écrivains tout court - contemporains. Il est aussi une "personnalité médiatique" surprenante, irritante parfois, ce qui lui vaut pas mal de critiques, au delà de son travail indiscutable en tant que penseur, écrivain, poète. Quand Houellebecq joue le rôle de "Michel", avec une facétie et une vivacité étonnantes contrastant avec son personnage "droopiesque" et dépressif, il n'est pas aisé de distinguer ce qui fait partie du "jeu" de ce qui est "la réalité", et cette ambiguïté se révèle extraordinairement féconde sous la direction - inspirée, oui -, de Nicloux : entre ce qui peut être perçu comme l'opinion de Houellebecq sur le monde, et ce qui relève du scénario (ténu, mais pas inconsistant) du film, notre cœur balance en permanence... mais c'est finalement l'émotion étrange qui se dégage de nombreuses scènes qui emporte notre adhésion. "L'enlèvement de Michel Houellebecq" est un véritable OVNI : c'est un objet purement conceptuel qui se met peu à peu à "respirer la vie", contre toute attente. Au delà de "Michel", ce sont tous les acteurs qui finissent par nous bouleverser autant qu'ils nous font rire : loin de l'humour "Canal+ / Groland" qu'on pouvait craindre, nous partageons une heure et demi de la vie de superbes branquignols, nous buvons des coups avec eux, nous nous engueulons avec eux, et sommes finalement tous surpris d'avoir appris à les aimer. Et lorsque le film se termine, à 280 km/h sur l'autoroute avec Michel et Luc, nous sommes à la fois excités et effrayés par toutes ces grosses conneries que nous venons de faire. Il nous reste à remercier Nicloux pour cette belle aventure. [Critique écrite en 2016]