À mon échelle de connaisseur timoré et amateur modéré du cinéma d'animation japonais, L'Epée de Kamui parvient à sa faufiler assez facilement entre les grands maîtres vénérés et les émanations plus baroques pour trouver une place confortable. C'est long et ambitieux, avec un petit côté pot-pourri constituant ce qui rebute le plus fortement : il faut dire que Rintarô nous embarque dans une fresque épique et historique qui entend embrasser une partie de l'histoire du XIXe siècle japonais — la période du bafuku, transition entre le Japon féodal des Tokugawa et le Japon moderne plus ouvert sur l'extérieur, avec toutes les guerres imaginables — avec en prime un mélange presque infini des genres, chanbara, western, ninjas, chasse au trésor, et comme si cela ne suffisait pas, on croise également la route de Geronimo et Mark Twain.
Un film rempli à ras bord, mais ce n'est pas tout : Rintarô n'est pas du genre à se laisser aller à une mise en scène convenue et homogène, non, et pendant plus de deux heures il enchaîne les points de vue diversifiés et la recherche d'un renouveau perpétuel dans les graphismes. On oscille entre des moments psychédéliques et des instants dramatiques, des instantanés de violence et une quête sans fin de vérité teintée de vengeance. Il y a manifestement une sensation d'excès qui m'empêche d'adhérer plus avant à l'orgie visuelle et narrative, avec en prime de nombreux passages un peu trop tirés par les cheveux sur le plan de l'écriture — au hasard, le plan du grand méchant moine bouddhiste qui forme son propre ennemi qu'il manipule à devenir un sabreur surpuissant.
Mais Rintarô s'avère extrêmement généreux par ailleurs, à travers des décors aussi foisonnants que les actions, avec des hordes de ninjas assoiffés de sang ou espions redoutables, et des scènes d'affrontement pas avares en tranchage de corps. L'Épée de Kamui ne laisse jamais le rythme faiblir, et cela peut relever du marathon épuisant tant il file à une vitesse folle du début à la fin. De l'île de Hokkaido au Nevada en passant par le Kamtchatka et pour finalement atterrir sur l'île de Santa Catalina, Rintarô envoie tout valser dans un tourbillon d'images impressionnant.
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