Dark Command passionne pour deux raisons. La première tient au choix d’une évolution croisée des deux protagonistes principaux, comprenons Bob Seton et William Cantrell qui respectivement passent de la brutalité à la civilité et de la culture à la sauvagerie. La figure de l’instituteur, en charge de l’éducation des enfants des pionniers, revêt une profondeur psychologique appréciable : en constante mutation, elle empêche toute caractérisation uniforme et cultive le mystère tant sur les relations qu’il entretient avec sa mère que sur ses motivations véritables. Son parcours ressemble à une descente aux Enfers motivée par l’idée que le savoir excuse tout, qu’il place l’intellectuel au-dessus des lois et des hommes ; en cela, le long métrage marche à rebours des représentations conventionnelles de l’éducation, ici synonyme de perversion et de conversion au Mal. Face à lui, le cowboy texan apprend les bonnes manières et séduit la foule par son naturel, son refus du jargon et son sens pratique.
Raoul Walsh aime filmer les cavalcades, qu’elles soient équestres – comme c’est le cas lors des séquences de chevauchées –, sociales ou sentimentales ; il ose le mélange des tons pour représenter un temps ô combien troublé de l’histoire des États-Unis et du Kansas, adopte une écriture comique forte de personnages secondaires truculents – pensons au maire ou au dentiste, qui semble avoir influencé Quentin Tarantino dans la composition de Django Unchained (2012). Sans jamais tomber dans le burlesque, le récit aborde la petite histoire, celle qui concerne une petite ville pleine de petites gens, pour donner à voir et à vivre la grande, en l’occurrence le massacre de Lawrence, l’une des zones d’ombre de la Guerre de Sécession. Seconde raison de découvrir ce grand film méconnu, adapté du roman de W.R. Burnett, mis en scène avec talent par Walsh.