Il faut un peu de temps avant que l'on entre pleinement dans le film. Mais quand la démarche de Kaveh Bakhtiari porte ses fruits, ce partage entier du quotidien de migrants iraniens coincés à Athènes, L'escale vaut tous les discours.

Que veulent ces hommes ? Rejoindre des proches installés pour la plupart en Europe du Nord. Clandestins en Grèce, ils pourront faire valoir leur droits ailleurs. C'est quand un adolescent de 16 ans se met en colère et traduit, dans un discours d'un bon sens absolu, l'absurdité de la situation, exprime sa peur de partir avec un vrai-faux passeport [passeport sans doute volé dont la photo serait ressemblante] qu'on réalise à quel point tout cela est inacceptable. Il s'agit ni plus ni moins de risquer sa vie, ou des mois de prisons, pour sa liberté.

Notre confort occidental a toujours bien du mal à entendre cela. Non seulement parce que nous sommes du bon côté de la barrière, mais aussi parce que nous sommes démunis. Que pouvons-nous bien faire ? Suffit-il de regarder un film ?

La grande force de L'escale est précisément de ne pas chercher à nous culpabiliser. En partageant le quotidien de ces hommes à demi cachés, mais qui continuent à vivre, évidemment, à plaisanter, faire du sport, s'engueuler, pleurer, nous cheminons un peu vers eux. Quand l'un baisse les bras et repart en Iran où il n'a "plus rien", quand un autre réussit à rejoindre la Norvège, quand le cousin du réalisateur ne peut pas partir parce qu'il est défiguré, et qu'il ne trouvera jamais de passeport dont la photo lui ressemble, quand au bout de cinq ans un autre entame une grève de la faim, c'est un homme comme nous qui se débat pour s'en sortir.

Vivant en Suisse depuis l'âge de 9 ans, Kaveh Bakhtiari sait lui aussi qu'il est du bon côté de la frontière, l'un des protagonistes du film sait le lui rappeler, mais il sait aussi que ce film a valeur de témoignage. En cela est-il indispensable.

> Film vu en avant-première dans le cadre du 35e Festival des 3 Continents de Nantes
pierreAfeu
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le 23 nov. 2013

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