Si 18 années les séparent, ce film de Raoul Walsh sur l'esclavage et le début de la Guerre de Sécession ressemble fortement à "Autant en emporte le Vent".


Avec ses yeux plissés, son cigare et sa casquette de marin, Clark Gable incarne un esclavagiste vieillissant en quête de rédemption. Le genre d'hommes qui sera prêt à lâcher 5.000 dollars pour s'acheter une esclave et lui offrir ensuite les plus belles robes, voire même la liberté… Alors que le scénario nous parle d'une métisse qui devient subitement esclave à la mort de son père, Yvonne de Carlo a bien du mal à nous faire croire qu'elle a du sang noir dans les veines : dans le milieu, on appelle ça une erreur de casting. Ce n'est pas qu'elle soit mauvaise actrice, non, mais car elle n'est justement pas métisse, jamais on ne parvient à pleinement croire à son personnage.


Contrairement à "12 Years a Slave", sa vie n'est pas particulièrement chamboulée par sa nouvelle condition d'esclave : aucune corvée ne lui est assignée, elle passe ses journées dans une chambre luxueuse à la Nouvelle-Orléans, et son généreux propriétaire lui met même quelques domestiques à son service… Quiconque prendra le film en cours aura bien du mal à croire qu'il s'agit d'un long métrage sur l'esclavage, tant la jeune femme blanche est coquette et insolente. Avec ses décors en toc et ses trop grands emprunts au classique de Victor Fleming (ex : la grosse nounou), "Band of Angels" a bien du mal à se forger une identité propre durant ses 75 premières minutes, et il ne devient vraiment intéressant qu'à partir du moment où les soldats Yankees arrivent dans le Sud. Ces derniers sont étonnamment montrés comme des sauvages hypocrites qui ne respectent guère plus les esclaves que leurs anciens propriétaires sudistes. Violents et voleurs de terres, ils ont un esprit de revanche qui les pousse à modifier la loi à leur guise, et à pendre toute personne récalcitrante.


Agé de 30 ans, Sidney Poitier fait une apparition remarquée dans le rôle d'un esclave tiraillé entre son désir de liberté et la reconnaissance qu'il éprouve envers son "maître" : ce dernier l'a toujours traité comme un fils, et l'éducation qu'il a reçue n'a rien eu à envier à celles des blancs. Quand il sera confronté à des militaires nordistes manipulateurs et arrivistes, l'ancien esclave plein de rancœur sera bien forcé de constater que la bonté d'un homme ne peut se résumer à sa seule origine géographique. Un enseignement universel qui, encore de nos jours, mérite d'être médité…

chtimixeur
6
Écrit par

Créée

le 31 mars 2015

Critique lue 1.1K fois

5 j'aime

chtimixeur

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

5

D'autres avis sur L'Esclave libre

L'Esclave libre
Docteur_Jivago
8

Régression sociale

Le Sud, l'esclavagisme, l'amour, Clark Gable... difficile de ne pas penser à Autant en Emporte le vent lorsqu'on s'intéresse à L'esclave Libre de Raoul Walsh. C'est au cœur de la guerre de Sécession...

le 9 nov. 2016

21 j'aime

6

L'Esclave libre
Libellool
9

Être une esclave libérée, tu sais c'est pas si facile

Dans la liste des héroïnes métissées du cinéma d'antan, on trouve la belle et digne Amantha Starr, qui se découvre des origines à demi noire le jour de la mort de son riche père. Problème :...

le 28 mai 2015

7 j'aime

10

L'Esclave libre
Dagrey_Le-feu-follet
7

Un film anti esclavagiste pro sécessioniste...

A la mort de son père, un riche planteur du Kentucky, Amantha Starr interrompt ses études pour regagner le domaine familial. Elle découvre que sa mère était une esclave noire et que la plantation,...

le 19 juil. 2017

5 j'aime

Du même critique

Twin Peaks
chtimixeur
5

Des hauts très hauts et des bas très bas

Diane, il est 18h49, et alors que je m'apprête à quitter définitivement le Grand Northern Hotel, je vais vous faire une confidence, et vous dire tout haut ce que beaucoup de sériephiles refusent...

le 4 mai 2012

204 j'aime

...Et pour quelques dollars de plus
chtimixeur
9

Le Manchot, le Colonel et l'Indien

Et pour quelques dollars de plus est l'un de mes films favoris, et probablement l'un des plus grands chefs d'œuvre du duo Leone/Morricone. Dès le départ l'ambiance est posée : Lee Van Cleef s'amuse...

le 27 déc. 2010

79 j'aime

20