Licence to Kiel
En ce jour funeste, je me suis dit qu'il fallait peut-être écrire une petite bafouille sur un James Bond, ça faisait longtemps en plus. The Spy Who Loved Me, c'est vraiment l'un des films...
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le 11 sept. 2014
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8
Quotient James Bondien: 6,92
(décomposé comme suit:)
BO: 7/10
Exilé en France pour de sombres affaires fiscales, John Barry n'est pas en mesure de remplir son traditionnel et divin devoir Bondien. A sa place est appelé Marvin Hamlisch, compositeur de bandes originales déjà multi-récompensé en 1977 (deux oscars pour Nos plus belles années et L'arnaque, un Grammy Awards, un prix Pulitzer de l'œuvre théâtrale). Non seulement il compose une série de thèmes particulièrement marquants, mais il parvient à moderniser le thème fondateur de James Bond, en le mariant à la sauce disco de l'époque, annonçant les remises aux gouts du jour successives telles que le pratiquera Moby 20 ans plus tard.
Et il est indéniable que le compositeur réalise une superbe performance en se classant dans la continuité du travail de Barry tout en s'en démarquant, trouvant l'exacte bonne distance pour renouveler l'ambiance, bien mieux que ne l'avait fait George Martin pour Vivre et laisser mourir, et offrant un sacré soulagement aux amateurs des musiques de Bond: une vie après Barry sera donc possible.
Titre générique: 6/10
Même s'il a été un carton monumental aux États-Unis (2ème du billboard 3 semaines de suite) et s'il s'intègre particulièrement bien avec le très réussi générique de Maurice Binder, le titre interprété par Carly Simon peine à trouver sa place dans le panthéon des plus belles chansons de la série par son côté un peu trop pop sucrée (même si Hamlish s'est inspiré de Mozart pour le composer).
Séquence pré-générique: 7/10
La volonté de relancer la série par un budget bien plus conséquent que par le passé se voit dès cette séquence qui, peu en rapport avec le reste de l'intrigue pour sa partie poursuite à ski, a couté un argent conséquent (250000 de dollars) pour un seul plan, lorsqu'il a fallu se rendre sur l'île de Baffin pour le saut en parachute (voir la section pré-production). Bingo: la scène, associée à l'idée farfelue de décorer le parachute d'un drapeau de l'union-jack, fait partie des moments iconiques de la saga.
Générique: 8/10
Maurice Binder retrouve des couleurs après plusieurs copies paresseuses, en proposant un des plus chouettes génériques de sa carrière. Pour la première fois de son histoire, le héros participe visuellement à l'exercice (autrement que par un rappel d'épisode passé) et les idées visuelles se multiplient (comme cette silhouette pratiquant la gymnastique sur le canon d'un revolver).
Remarquons que l'esprit d'un film (ici une volonté de redémarrage) peut inspirer tous les artistes qui y participent.
James Bond Girls: 6/10
Le jeu de Barbara Bach est souvent en parfaite alchimie avec celui de Roger Moore, mais sa performance souffre de deux problèmes presque rédhibitoires. Un ton (et un accent) trop souvent monocorde qui ne cadre pas avec l'ambiance de la série, et surtout une écriture de personnage qui ne tient pas toutes ses promesses: présentée comme le pendant féminin russe de Bond, le major Anya Amasova se retrouve un peu trop souvent dépendante des actions du héros britannique pour s'en sortir, comme cette scène finale où elle attend, sagement attachée sur un fauteuil que quelque vienne la secourir.
Méchant(s): 8/10
Ce n'est pas la performance, au demeurant irréprochable, de Curd Jürgens qui restera dans les mémoires, mais bien celle de Richard Kiel, dont l'équipe de tournage sent rapidement le potentiel, au point de tourner deux fins, et garder celle qui en screen-test emportera l'engouement manifeste du public: celle où Jaws survit. Amusant d'ailleurs de donner au sidekick le nom du succès phénoménal de l'année précédente (Spielberg a failli mettre en scène cet opus). Un peu comme si on avait nommé Thanos le méchant de Mourir peut attendre.
Cascades: 7/10
L'origine du saut depuis le mont Asgard (sur l'île de Baffin, donc) a une histoire amusante. Après avoir vu une pub (pour le Whisky Canadian Club) mettant en scène cet exploit dans un magazine, Michael G. Wilson contacte son auteur Rick Sylvester qui lui avoue que la cascade n'a pas été réellement effectuée. Au moment où Wilson se prépare à raccrocher, Rick s'écrie "mais je peux le faire !". Dont acte. Cela sera fait en une seule prise.
Scénar: 6/10
Amusant de voir comment un script finalement aussi basique (on retrouve quelques invariants de la série) aura rencontré autant de difficultés à être proposé. Pas moins de 14 scénaristes se sont succédé à la tâche ! Comme presque à chaque fois, la cohérence est sacrifiée sur l'autel du spectaculaire, quand par exemple le méchant tue d'abord un personnage dans un ascenseur avant d'en faire exploser deux autres dans un hélicoptère (qui lui appartient), ou quand le même Blomberg préfère relâcher ses proies sur la terre ferme et les faire poursuivre par un combo moto/voiture/hélicoptère, alors qu'une balle dans la tête aurait été tellement plus rapide et efficace. Les scènes sont pourtant jouissives, et nous ne pourrons jamais totalement nous plaindre de ces petites chicaneries.
Décors: 7/10
Ken Adam est de retour aux affaires, et le directeur de production est en pleine forme, offrant une base de méchant assez sublime (intérieur et extérieur) et un hangar de supertanker qui va nécessiter de construire un nouveau studio géant à Pinewood, le fameux studio 007 toujours opérationnel et légendaire 45 ans après. La chose a représenté un tel défi technique qu'une nouvelle fois, le copain de Ken un certain Stanley Kubrick, sera venu donner quelques conseils d'éclairage.
Mise en scène: 7/10
Lewis Gilbert est de retour 5 films après On ne vit que deux fois et il est piquant de constater que les points communs entre les eux films ne manquent pas, comme justement la démesure du repère final du méchant. Gilbert se montre inspiré dans de nombreuses séquences (poursuites, plans inquiétants de Jaws, bataille finale) et livre sans conteste sa meilleure prestation pour la franchise.
Gadgets: 8/10
Les gadgets inoubliables de James Bond sont légions, et bien entendu la Lotus Esprit amphibie fait partie du haut de la liste, la forme de la voiture étant particulièrement compatible avec son destin fictionnel. Autour d'elle, les trouvailles sont nombreuses: d'une séquence Q qui lance complètement une tradition aux usages des rivaux de Bond (des dents en métal, des cigarettes qui endorment) le film est un véritable petit vivier de plaisirs multiples.
Interprétation: 6/10
La performance de Barbara Bach, presque terne, amoindrit celle de Moore qui trouve enfin l'exacte dimension de son personnage, débarrassé des scories de scénario qui essayaient vainement jusque là de retrouver les traits de caractère de Sean Connery. Moore est crédible dans les moments physiques ou durs, comme dans la comédie, et cet équilibre sera de plus en plus difficile à retrouver par la suite, les scripts penchant de plus en plus vers la caricature. Richard Kiel est lui aussi parfait.
JAMES BOND ROUTINE:
- Drague: Tout ce qui bouge ! De l'espion russe de la cabane suisse aux filles du harem d'Husein, de la femme de Fekkesh (qui se sacrifie en une fraction de seconde pour lui) à l'agente tripleX Anya Amasova. Il n'y a guère que Naomi, la partenaire de Stromberg, avec qui il se contente d’œillades, sans doute conscient qu'il devra bientôt lui envoyer un missile. Au sens propre.
- Plus loin que le bisou ? Avec les deux premières susmentionnées, et sans doute avec Anya une fois cette dernière conquise.
- Bravoure: Retourner sur Atlantis qui doit être détruite, juste pour sauver sa consœur. Chapeau.
- Collègues présents: Aucun.
- Scène de Casino ? Pas cette fois.
- My name is Bond, James Bond: Oui, en se présentant à Max Kalba, le patron de l'hôtel, qui lui répond: "et alors ?".
- Shaken, not stirred: Le grand retour ! Alors que depuis son apparition (soit deux films) Roger Moore avait délibérément tourné le dos à la boisson fétiche de l’espion (pour lui préférer du bourbon…), c'est Anya qui remet le cocktail en honneur pour montrer qu'elle connait ses dossiers. L'expression reviendra quelques scènes plus tard quand Bond pense avoir écrasé Jaws contre un mur égyptien avec sa camionnette.
- Séquence Q: Q est présent à au moins deux reprises: pour expliquer ce qui a pu arriver aux sous-marins au début, puis pour détailler le microfilm récupéré par le duo d'espion, ce qui donne l'occasion de montrer aux spectateurs un labo en pleines expérimentations, comme ça, en Égypte, alors que Bond ne fait que passer, ce qui dépasse évidemment toute logique la plus élémentaire.
- Changement de personnel au MI6: Un trio M Q Moneypenny toujours aussi solide. Même si on sent que Bernard Lee commence à accuser le poids des ans. Contrairement à Desmond Llewelyn.
- Comment le méchant se rate pour éliminer Bond: Stromberg est aussi inconséquent que ses prédécesseurs: il fait ramener le duo d'espions à terre avant de lancer une poursuite moto / voiture / hélicoptère, alors qu'il avait sacrifié un même type d'appareil volant pour se débarrasser des deux scientifiques dans la scènes pré-générique… En expliquant longuement son plan avant de passer aux actes (un classique) et on annonçant presque qu'il va tirer quand il demande à son ennemi de s'assoir à sa table.
- Le même méchant tue-t-il un de ses sidekicks ? Oui, si on considère sa première compagne (?) jetée aux requins, et les deux scientifiques qui ont fini leur mission.
- Nombre d'ennemis tués au cours du film: 18. Après l'étonnant score d'un seul du film précédent, Bond repart sur des bases plus solides, revenant à 3 morts de son précédent record d'On ne vit que deux fois.
- Punchline drolatique après avoir éliminé un adversaire ? "Toutes ces plumes et il ne sait pas voler !" (ou jeter un panneau "out of order" sur Kalba assassiné par Jaws…)
- Un millésime demandé ? On ouvre un Dom Pérignon 52 dans la capsule de sauvetage finale.
- Compte à rebours ? Presque, puisque les missiles nucléaires doivent atteindre leurs cibles à midi.
- Véhicules pilotés: Un chameau, une camionnette d'employé du téléphone, un bateau sur le fil et un Lotus Esprit S1.
- Pays visités: Autriche, Ecosse, Égypte, Sardaigne
- Lieu du duel final: La base Atlantis de Stromberg
- Final à deux dans une embarcation perdue en mer ? Yep ! Et une embarcation luxueuse, la capsule de sauvetage de Stromberg, disposant de tout le confort requis pour une survie dans les meilleures conditions.
PRÉ-PRODUCTION
Le travail préparatoire commence dès novembre 1974, alors qu’Albert R. Broccoli et Harry Saltzman sont encore associés. Leur séparation définitive allant prendre une année complète (voir le dossier précédent, consacré à L'homme au pistolet d'Or), la phase de lancement est chaotique. Cubby Broccoli parlera même d'un des films les plus problématiques de toute l'histoire des James Bond, à cause d'un scénario à imaginer de A à Z, et de la multiplicité des extérieurs prévus (Bahamas, Suisse, Sardaigne, Égypte, Ecosse, Malte et Canada).
En effet, L'espion qui m'aimait était un roman atypique de son auteur, le seul pour lequel Ian Fleming avait exigé par contrat que toute adaptation se devrait d’être complètement distincte du texte (en gros, seul le titre pouvait être utilisé). En effet, dans le livre, Bond n'apparait que dans le dernier tiers d'un récit qui concerne essentiellement un personnage féminin qui parle à la première personne. On se souvient que Saltzman et Brocoli avaient de toutes façons, à l'époque de leur association avec Fleming, pris la précaution de pouvoir créer de nouvelles aventures pour leur héros quand ils le souhaiteraient.
De fait, l'intrigue que Broccoli voulait plutôt simple, va poser un tas de problème à un tas de scénaristes. Au total, ce ne seront pas moins de 14 scénaristes qui vont se succéder pour ne pas arriver à proposer un travail qui convienne à notre producteur. Parmi les tentatives refusées, on notera celle de Anthony Burgess, récompensé pour son travail sur Orange Mécanique, dans laquelle on pouvait trouver Bond et Henry Kissinger (secrétaire d'État américain de l'époque) nus, un attentat contre la reine d'Angleterre à l'opéra de Sydney, et un kangourou boxeur fou. On regrette que le scénario n'ait pas trouvé preneur dans un autre cadre.
Cette impossibilité de trouver le script définitif fait dire à Cubby qu'un scénariste de Bond n'est pas de la même espèce que les autres. Il va donc, avec sa femme Dana et son scénariste historique Richard Maibaum, repérer les meilleures idées de toutes les versions soumises et créer leur propre canevas. Quand Lewis Gilbert (qui avait dirigé On ne vit que deux fois) reçoit la version presque finale de Broccoli, il estime que c'est la première fois de sa carrière qu'un producteur lui propose un script qui tient la route. Il va quand même apporter sa patte finale avec son scénariste associé, Christopher Wood.
Car la longue période d'atermoiements (il va y avoir 3 ans entre ce film et le précédent, ce qui est un record pour l'époque, alors qu'aujourd'hui tous les fans rêveraient d'un laps de temps aussi court entre deux films) a mis sur la touche au moins deux habitués de la franchise: Guy Hamilton et Tom Mankiewicz, le réalisateur et le scénariste des trois précédents épisodes, sont partis.
Notons qu'un encore tout jeune Steven Spielberg a été pressenti pour diriger le film, mais la période de post-production de Jaws a freiné les ardeurs de Broccoli.
Entretemps, un autre démêlé juridique s'est ajouté à la revente des parts d'Harry Saltzman à United Artists. Comme le script final mentionnait la présence de SPECTRE et Blofeld, Mc Clory, codétenteur des droits d'Opération tonnerre (voir dossiers 4 et 13 bis) y est allé de sa petite contestation auprès des tribunaux, ce qui va occuper Broccoli et son beau-fils Michael R. Wilson (futur coproducteur à part entière de la saga). L'affaire finit par se régler à l'amiable, et Stromberg vient remplacer Blofeld dans le scénario.
Au moment où le tournage peut enfin débuter, Cubby Broccoli est légèrement écœuré par les tracasseries juridiques et les tribunaux, et entend bien se replonger avec bonheur dans ce qu'il sait faire de mieux: s'occuper d'une équipe de production, et remettre une bonne ambiance dans le travail de ses employés, qu'il considère comme une seconde famille.
TOURNAGE
Si la séquence du saut du pré-générique coute aussi cher à la production, c'est qu'il a fallu à l'équipe dix jours pour pouvoir enfin bénéficier d'un petit quart d'heure de temps clair. Dix jours pendant lesquels il a fallu tous les jours revenir en hélicoptère, disposer tout le matériel lourd et couteux, et attendre dans un froid mordant. La séquence a été confiée à un directeur de seconde équipe nommé John Glen, qui dirigera plus tard à son tour des films de la série. On est au-delà du cercle polaire et les conditions météo sont traditionnellement délicates.
Le tournage principal débute le 31 août 1976, à Pinewood. Comme très souvent, le rôle principal féminin est casté à trois semaines du premier tour de manivelle.
Richard Kiel, qui avait déjà joué dans trois ou quatre films après sa carrière de videur dans des boites de nuit, est choisi pour ses mensurations inhabituelles (2m18), une carrure si étonnante qu'elle va être à l'origine de toute une série d'anecdotes notables.
Il débarque sur le tournage avec sa femme de 1,60m, enceinte jusqu'aux dents. Sa présence impose une literie particulière sur tous les lieux de tournage où il apparait.
Sa prothèse dentaire, dessinée et conçue en Cobalt par Katharina Kubrick (fille de…) lui fait si mal (tout en l'empêchant de déglutir) qu'il ne peut la garder plus d'une trentaine de secondes, ce qui oblige à des prises courtes quand il ouvre la bouche.
En Égypte, sa valise est perdue par les transports aériens, ce qui va nécessiter une somme d'efforts considérable pour lui faire parvenir une garde-robe adaptée. Enfin, le garçon a un vertige tel qu'il faut le doubler pour les scènes où il apparait en haut des ruines égyptiennes. Pour donner une idée du malaise, Richard est obligé d'expliquer que déjà, quand il est debout c'est limite…
Le choix de la Lotus s'est fait grâce à la roublardise de Don McLaughlin, responsable de la jeune firme automobile, qui a appris que la production cherchait un véhicule pour son nouveau film, et qui gare nonchalamment son prototype devant les studios Pinewood, pour partir en trombe lorsque le producteur apparait sur le parking.
Pendant ce temps, toutes les séquences sous-marines sont tournées au Bahamas (aux eaux plus claires que celles de la Sardaigne), comme pour Thunderball, dans des conditions là encore peu agréables, qui feront dire à Golda Offenheim, responsable de production sur place: "On m'avait vendu des conditions paradisiaques qui faisaient que j'aurais pas l'impression de travailler. Pas un mot sur les requins, les barges et les remorqueurs, le temps exécrable et les prix exorbitants".
La Sardaigne est l'occasion de sidérer les populations locales avec la Lotus mais aussi avec la moto-marine, encore au stade de prototype (Ken Adam le directeur de production et designer en chef, est décidément friand de toutes les nouveautés technologiques dont peut bénéficier Bond à l'écran).
Fruit de l'inspiration de Guilbert, le poivrot sur la plage interloqué par le spectacle est interprété par l'assistant réalisateur Victor Tourjansky, et deviendra un running-gag (beaucoup moqué par la suite, à juste titre) dans les deux films suivants.
C'est Moore qui a l'idée du poisson jeté depuis la fenêtre de la voiture, une proposition que Broccoli n'aime pas du tout, mais qui sera néanmoins conservée.
L'étape égyptienne sera un de ces moments difficiles, dont les protagonistes se souviendront longtemps. Sur place, rien ne se passe comme prévu. L'hôtel réservé est réquisitionné par le gouvernement au moment où l'équipe arrive, pour la tenue d'une conférence de la ligue arabe. Les moyens de communications sont, comme en Thaïlande trois ans plus tôt, catastrophiques, et il faut encore deux jours pour pouvoir obtenir une réponse à un coup de fil, ou pour envoyer un télex.
Les autorités locales sont à la fois très pointilleuses quant à la représentation du pays à l'écran (ce qui fera que Moore devra lancer son "ah, ces constructeurs égyptiens !" à la dérobée, en fin de journée), mais peu coopératifs quand ils auraient pu être utiles: il faudra attendre la toute-fin du spectacle son et lumière devant les pyramides pour relancer un faux show, les organisateurs ne voulant déranger les vrais touristes qui ont payé leur place !
C'est enfin la nourriture exécrable qui fait que Cubby décide de faire venir des containers spéciaux de plats anglais qui vont arriver… avariés. Ce qui donnera l'occasion au producteur de montrer toute l'étendue de ses qualités humaines et culinaires (voir la causerie).
De retour à Pinewood, c'est d'abord Roger Moore qui fait parler de lui. D'abord en s'asseyant au mauvais endroit dans la scène ou Stromberg lui tire dessus sous la table, ce qui lui occasionne une brulure très gênante à la fesse droite (un mois de pansements). Un peu plus tard, il contracte un zona qui met le tournage en pause pendant une semaine.
Mais c'est l'inauguration du tout nouveau studio 007 qui marque les esprits. Ne voulant pas réitérer les problèmes rencontrés avec On ne vit que deux fois pour le cratère aménagé de Blofeld, Ken Adam estime qu'il faut cette fois que le studio englobe le set, ce qui nécessite la construction d'une nouvelle infrastructure, de taille raisonnablement démesurée, pour contenir l'intérieur du supertanker Liparus. Le nouveau joujou de Broccoli coute la modique somme de 600000 livres sterling et va poser de gros problèmes d'éclairage. Comme si ça ne suffisait pas, le chef opérateur Claude Renoir (petit-fils de et neveu de…) connait de progressifs problèmes de vue au fil du tournage, ce qui va pousser Ken Adam à faire de nouveau appel à son ami Stanley Kubrick (avec qui il fait travailler sur Docteur Folamour) pour que ce dernier lui donne de précieux conseils pour illuminer le plateau gigantesque, à condition que sa contribution reste totalement anonyme.
C'est finalement sur la poursuite à ski proprement dite, tournée en Suisse, que se clôt ce tournage éprouvant, le 26 janvier 1977.
POST-PRODUCTION
Quelques plans additionnels sont réalisés en employant les maquettes du pétrolier (long d'une bonne vingtaine de mètre, tout de même), le montage, la postsynchronisation et la musique pouvant être ajoutés dans un délai cette fois raisonnable: l'avant-première n'est prévue que pour le 7 juillet, ce qui permettra d'imprimer des cartons d'invitation frappés des chiffres 07/07/77.
Comme John Barry, Marvin Hamlisch s'amuse un peu avec les illustrations sonores, en plaçant deux références aux films de David Lean: la boite à musique d'Amasova reprend celle qu'on trouve dans Docteur Jivago, et quelques notes de Lawrence d'Arabie sont jouées pendant les scènes de désert (avec un manque de subtilité qui a pu en froisser certains).
On s'en aperçoit pendant le générique de fin, Star Wars (qui sort la même année) n'a pas encore bouleversé le paysage naissant du blockbuster, la mention "James Bond reviendra dans Rien que pour vos yeux apparait, avant que Cubby Broccoli ne change rapidement son fusil d'épaule, et ne décide d’enchaîner avec Moonraker.
Le film est le plus gros carton de la série depuis Opération Tonnerre, et reste un des épisodes les plus rentable de la franchise, et le studio 007 permet à l'industrie cinématographique anglaise de se relancer. Il obtient trois nominations aux oscars et trouve un véritable succès critique. On peut parler de réel redémarrage de la série.
LA CAUSERIE FINALE AU COIN DU FEU D'ONCLE NESS (Des feux de position qu'il allait éteindre, pour pouvoir suivre plus discrètement ses adversaires, qui viennent d'enlever son contact sud-africain, sur les routes escarpées qui longe la côte des environs du Cap. Avant que la poursuite ne se poursuive sur des speeders amphibies, laissés négligemment à la disposition des deux parties par la grâce de scénariste eux-mêmes pas complètement vigilants.)
"La question posée par certains de savoir si je m'en sortirais seul, sans Saltzman, m'a fait rire. Je m'en "sortais seul" depuis bien longtemps, pour gérer les affaires, tandis que mon associé partait à la conquête du monde."
Albert R., dit "Cubby", est assez cash sur la façon dont, désormais seul, il a repris en main la franchise. Ce qu'il ne dit pas, bien entendu, est l'amitié indéfectible qui le liera malgré tout à son ancien partenaire jusqu'au bout, puisque les deux se croiseront à nouveau à l'occasion à l'occasion de l'avant-première de Rien que pour vos yeux, après la mort de Jacky Saltzman. Les deux hommes se tomberont dans les bras, comprenant alors que leurs différences étaient d'ordre strictement financier et professionnel, mais pas humain. Cubby passe aussi légèrement sous silence les inspirations géniales de son ancien associé, qui manqueront parfois à la série dans les années suivantes.
Pour autant, ce tournage compliqué lui donne l'occasion de prouver à quel point il s'en sort aussi quand les conditions sont difficiles, et montre à quel point il tient au bien-être de tous ses collaborateurs. L'histoire peut sembler parfaitement anecdotique mais se révèle au fond parfaitement symptomatique de l'attachement du producteur pour les gens qu'il emploie, et qui explique l'amour qu'ils ont pu lui porter en retour: quand la nourriture venue d'Angleterre s'avère avariée, il se rend au Caire pour trouver de quoi faire une quantité astronomique de pâtes, qu'il fait lui-même et sert à tout le monde. De mémoire de tous les gens présents sur le plateau ce jour-là, ça sera la seule fois de leur vie qu'ils verront un producteur de films se consacrer personnellement de ce genre de chose.
L'espion qui m'aimait fait partie de ces films de la série dont le succès s'est avéré crucial pour la suite. Conscient que la franchise parvenait à un degré d'essoufflement potentiellement fatal, Cubby Broccoli a consenti un investissement considérable pour relancer la saga, en bon joueur (de casino) qu'il est. La rentabilité extraordinaire du film valide presque toutes ses options.
Elle valide les sommes investies pour un résultat visible (plus de localisations, d'effets spéciaux, de moyens): avec près de 15 millions de dollars (ces sommes font sourire aujourd'hui), le budget représentait le double de tout ce qui avait été engagé jusque-là.
Cela valide aussi définitivement Roger Moore en tant que Bond. Mais cela valide également le fait que la saga peut désormais s'affranchir de la tutelle parfois étouffante (mais essentielle, puisqu'ils y reviendront sans cesse) des romans de Fleming.
Enfin, ce succès valide la nouvelle place de son beau-fils Michael R. Wilson comme associé de Cubby, qui prendra plus tard la suite avec sa demi-sœur.
Le nom de Jaws avait peut-être été choisi pour faire référence au méga-succès récent du film de Spielberg, et ce n'est sans doute pas anodin qu'on voit le personnage croquer un requin dans la scène finale, comme s'il disait aux spectateurs "quelles que soient les sensations nouvelles que vous chercherez au cinéma, l'univers de Bond sera toujours plus grand et plus sauvage".
C'est donc presque tout naturellement que le même Jaws allait juste après s'envoler vers les étoiles, pour aller à la rencontre du blockbuster suivant.
Bond allait s'attaquer à Star Wars.
Ceci est le seizième dossier des 27 que comporte la série des Archives James Bond
Un dossier à retrouver avec musique et illustration sur The Geeker Thing
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 007 des films de James Bond, La montagne, ça vous gagne !, "All you need for a movie is a gun and a girl" Jean-Luc Godard, Mer porteuse et Le film n'est pas muet. Le personnage n'est pas muet ni handicapé. Pourtant, il ne prononce aucune syllabe intelligible au cours du film.
Créée
le 3 avr. 2022
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