L’ennemi des vacances d’été a toujours été l’ennui, l’ennui provoqué par une solitude extrême comme celle que ressent Masao, un petit orphelin abandonné par ses parents pour être confié à sa grand-mère dont le travail occupe toutes les journées. Frappé par la mélancolie, Masao déniche l’adresse de sa mère sur un colis et se met en quête de la retrouver. Mais le garçonnet est encore bien trop jeune pour traverser le pays sans accompagnant. Une amie de la famille décide de le confier aux soins de son compagnon Kikujiro, un ancien yakuza. Ce dernier gaspille l’argent alloué pour le trajet dans des paris sportifs. On ne fait pas des chevaux de courses avec des bourriques, pas plus qu’on ne responsabilise un bon à rien en lui confiant la garde d’un enfant. C’est le début d’un périple bordélique, parsemé de difficultés, de galères pécuniaires, mais également de halte touristique et de moments réjouissants au cours duquel Masao va reprendre goût à la vie grâce aux gouailleries de son compagnon.
Le comique de situation naît ainsi de la relation de ce duo antinomique entre ce brigand au ton espiègle et ce gamin timide et innocent. À défaut de lui apprendre quoi que ce soit d’utile à son développement en raison de son inaptitude à conduire, ou à gagner sa vie honnêtement, Kikujiro lui apprendra à tricher, resquiller et à magouiller à l’image de cette séquence dans le stand de tirs d’une fête foraine où en mauvais perdant il fera du chamboule tout avec des cailloux pour ne pas rentrer bredouille. Car, comme son titre l’indique, il s’agit avant tout du récit de Kikujiro, soit les mésaventures d’un adulte immature s’amusant à pêcher dans le bassin d’une propriété privée, contraignant les gens à l’assister et à l’emmener d’un point A à un point B, bravant les interdits d’un hôtel de luxe avant de se noyer accidentellement dans la piscine parce qu’il ne sait pas nager, tout ça sous la surveillance d’un gamin de 9 ans. Le long-métrage ne laisse jamais poindre une quelconque forme de lassitude et se montre au contraire de plus en plus inventif au gré des épisodes et des rencontres fortuites. L’été de Kikujiro s’apparente ainsi à un conte pour grand enfant qui s’inspire des pérégrinations fantastiques issue du magicien d’Oz infléchit à des vignettes amusantes d’un album de souvenirs libéré de toute contraintes chronologique ou narrative et ponctué par des instantanés de vie qu'épouse la sublime orchestration de Joe Hisaishi.
La forme ludique du film visera avant tout à protéger le jeune Masao dont Kikujiro se fera l’ange gardien, ce qui permet d’aborder les craintes infantiles tel que l’abandon et les terreurs nocturne notamment au détour d’une embuscade se soldant par le règlement de compte d’un pédophile hors-champ. Si la quête de sa mère ne sera bercé que par de cruelles illusions, Masao s’en détournera finalement et trouvera en Kikujiro la figure d’un père de substitution et pour cause, un lien inextricable unit ces deux personnalités dans l’histoire de son réalisateur dont le personnage principal s’inspire de son propre père Kikujiro autrefois joueur compulsif sommé par une condition précaire d’ouvrier peintre à laquelle il tentait d’échapper pour subvenir aux besoins de son foyer quant il n’était pas violent et alcoolisé. L’enfance en gris et rose de Takeshi Kitano trouve ici une résonance toute particulière à travers ses deux protagonistes où l’art du passe temps revient à préserver l’innocence et à combler le manque affectif laissé par des parents aux abonnés absents.
À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.