S’il y a une chose qui est compréhensible au bout de quinze minutes quand on regarde un film réalisé par Kitano Takeshi, c’est qu’il n’y a qu’une chose qui l’intéresse : les outsiders, les exilés, les gens dont personne ne veut réellement.
Dans Kikujiro no Natsu, ses personnages sont un peu moins seuls qu’à l’accoutumée, mais Masao reste un enfant sans parents, qui ne part pas en vacances et Kikujiro un vantard marié qui n’a plus vraiment beaucoup d’amis. En repoussant le plus possible leur départ, Kitano Takeshi permet à Kishimoto Kayoko de gagner un prix d’interprétation extrêmement mérité, tant elle illumine l’écran à chaque fois qu’elle apparaît. Si ce long prologue possède quelques passages extrêmement drôles, comme la séquence des paris, c’est lorsque les deux acolytes partent en vadrouille à travers un Japon magnifiquement filmé que le film prend sa vitesse de croisière.
A grands renforts de rencontres hautes en couleurs et aussi déprimantes qu’hilarantes, Kitano Takeshi orchestre une rencontre entre ces deux outsiders, dont on sait clairement comment elle va finir, mais dont on redoute terriblement la fin des vacances et le retour à la maison. Il n’est nul question de violence ici, juste de tendresse et de soutien entre ces deux personnes, qui avaient bien chacun besoin l’un de l’autre. Kitano ne se refuse rien, même le sentimentalisme le plus exacerbé qui serait ridicule partout ailleurs s’il n’était pas expliqué par tout ce qu’on a vu auparavant. Kikujiro no Natsu part ensuite dans un troisième acte époustouflant, où la créativité folle de Kitano prend enfin toute sa splendeur, avec une demi-heure inattendue et virtuose, grâce à un supporting cast stellaire, le tout mis en musique par l’impeccable Joe Hisaishi, qui y livre sans doute une des meilleures partitions de sa carrière.
Kikujiro no Natsu est un film remarquable, un petit chef d’œuvre de road movie et de comédie de la part d’un type que l’on attendait plus sur ce terrain-là et qui retravaillera ça un peu plus tard.