Une femme vit avec ses trois enfants (Riichi l’ainé, la petite Yoshiko et Shoji le cadet) dans une maison quelque part au Japon. On les observe vivre plus ou moins tranquillement et on réalise que la famille manque de ressources. N’y tenant plus, la femme emmène ses enfants à Tokyo où elle se dirige vers une imprimerie. C’est là que vit et travaille le père de ses enfants… un homme marié !

Sokichi (Ken Ogata) a séduit cette jolie femme aspirant à une vie sérieuse. Il l'a séduite lors de séjours pour affaires dans une auberge où elle travaillait. Celle-ci vient donc, vêtue d’un élégant kimono, lui demander de subvenir aux besoins de leurs enfants. L’homme a malheureusement subi un incendie et n’a plus les moyens. De plus, la venue de sa maîtresse l’affole complètement. C’est un lâche qui ne sait plus où se mettre en voyant sa maîtresse faire irruption dans sa vie difficile. Une femme qui ose présenter la situation telle qu’elle est devant Umé (Shima Imashita), l’épouse. Vêtue à l’occidentale, cette dernière est outrée. Mais les quatre nouveaux n’ont nulle part où aller. Voilà donc un ménage à 5 plus que bancal qui commence à cohabiter dans un lieu où le travail de l‘imprimerie est assez envahissant. Le plus vieux des enfants a 6 ans. C’est un garçon à la casquette jaune canari éternellement vissée sur sa tête. Un garçon intelligent qui ne parle pas trop mais qui observe attentivement et n’en pense pas moins.

Commence alors un drame étouffant où les rebondissements vont se succéder de manière effarante. Car l’épouse légitime ne supporte pas la présence des intrus et ne se contente pas de le faire sentir à son mari. Elle tente d’ignorer les enfants (qui se montrent capable de s’organiser, avec un beau réalisme) qui ont rapidement été abandonnés par leur mère, celle-ci voyant bien qu’elle n’a rien à attendre d’un homme tiraillé entre sa situation familiale et sa situation sentimentale et paternelle.

Pour Umé, il n’y a pas à en démordre, les 3 enfants sont des intrus ; ils doivent évacuer les lieux d’une manière ou d’une autre. Pour elle, tous les moyens seront bons. Et elle use aussi bien de la force physique que de la force morale. Que ce soit vis-à-vis de son mari ou vis-à-vis des enfants !

Ce film est une surprise monumentale. Un réalisateur japonais tiré de l’oubli grâce à une édition DVD de qualité et une ambiance inimitable à découvrir. La tension est entretenue jusqu’au bout grâce à des situations toujours assez inattendues et un climat qui relève à la fois de la tension psychologique, du suspense pur et simple et de la description d’un milieu familial, du milieu social avec le travail de l’imprimerie et la description du Japon de l’époque (le film date de 1977), avec en particulier de nombreux plans sur les moyens de transport, surtout des trains. Quelques plans très esthétiques (magnifiques couchers de soleil) ne doivent pas tromper. C’est bien d’un drame très sombre dont il s’agit.

Le film prend également son temps pour détailler les caractères des uns et des autres. L’homme est un lâche qui tente péniblement de faire face à une situation inextricable qu’il a provoquée. L’épouse est une femme sans le moindre scrupule, qui manipule son mari (qui finalement ne sait même plus pour quels motifs il agit, car tout ce qu’il décide ne fait qu’empirer sa situation). Et puis, il y a les enfants. On sent entre eux une vraie fraternité. On les voit s’amuser et s’inquiéter les uns pour les autres. Au début, ils voudraient retourner chez eux et retrouver leur mère. Mais, bien vite, la situation évolue tellement qu’ils doivent avant tout se préoccuper de leur propre avenir dans un lieu où insidieusement, le pire peut se produire en plus des humiliations qu’Umé leur fait subir.

Le réalisateur a l’art de maintenir la tension et de rendre ses personnages bien vivants aux yeux du spectateur. La mise en scène tend vers un certain classicisme à l’occidentale, avec quelques zooms arrière ou avant qui mettent l’accent sur des détails à resituer dans leur contexte. La bande-son marque les effets, pas plus que nécessaire.

Le plus impressionnant est sans doute le jeune garçon qui va défier tranquillement son père, avec son regard d’une intensité rare. Du haut de ses 6 ans, il ne demande qu’à faire confiance. Mais une fois qu’il sait que cette confiance n’est plus possible, il ose regarder son père droit dans les yeux pour lui dire que non, il ne le connaît plus. Impressionnant.
Electron
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le 25 oct. 2012

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Electron

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