Portraits d'individus à la suédoise
Du Bergman, et un bon. Ouverture sur une musique dramatique qui nous prend aux tripes, l'histoire s'ouvre sur Johannes, de retour de voyage dans ce qui a l'air d'être le village de son enfance. Chez des amies, il retrouve la femme qui semblait être son amour de jeunesse, Sally, qui se refuse de le voir, ou même de lui parler. N'ayant eu de cesse de penser à elle durant ses voyages, Johannes se remémore ses souvenirs, sa rencontre avec Sally, et les conditions dans laquelle leur amour s'est forgé.
Le film repose donc principalement sur un flash-back. Avant celui-ci, les personnages principaux sont posés, ou énoncés : Johannes et Sally, et les parents du premier qui, dans la façon dont le jeune homme réagit à leur évocation, semble avoir des rapports compliqués avec eux. Pour cause, Bergman nous pose quatre portraits de personnages. La mère du héros, femme soumise, éperdument amoureuse de son mari qui lui, la trompe ouvertement et rève de profiter de ses derniers instants pour voyager et voir le monde. Sally, elle, est présentée d'abord comme la conquête du père de Johannes, se présentant comme un personnage vrai, mais désabusée, sachant qu'elle n'a comme avantage que sa jeunesse physique, contrairement à son esprit déjà blessé par les difficultés de la vie. Pourtant, face à Johannes, à l'époque martyrisé par son père, en plein désarroi mental et physique, la jeune femme voit un homme qui, pourtant si mal en point pour son âge, continue de réver et d'avoir l'espoir d'un lendemain meilleur, d'un lendemain de voyage.
Parmi les portraits que montre Bergman, nous avons cette confrontation entre la jeunesse et la vieillesse. Les parents de Johannes sont ces adultes n'ayant rien accompli, et en sont conscients. La mère de Johannes ne se raccroche ainsi qu'à la simple présence de son mari, malgré les dégâts moraux qu'il lui cause, quitte à délaisser toute dignité humaine. Le père de Johannes, lui, conscient que sa vue le quitte, voit ses jours comptés, et ne peut s'empécher de rejeter sa haine sur son fils, qu'il voit comme le principal coupable de son échec dans la vie. De plus, furieux que ce dernier parvienne à accomplir ce que celui-ci ne pourra jamais faire, l'homme ne cesse de se tenir comme obstacle dans la conquête de Johannes de ses espoirs futurs. Ce sera la présence de Sally, la seule qui, touchée par la condition du jeune homme, parviendra à lui offrir le courage, à lui permettre de voir outre que ce qu'il n'avait encore jamais vu, et ainsi à franchir l'ultime pas de son indépendance.
Ainsi, à son retour, Johannes est devenu un homme plein d'estime, se retrouvant confronté à Sally qui, étant restée immobilisée dans la même condition et le même lieu durant des années, a perdu à son tour tout espoir, et craint de finalement quitter un confort qui n'en est pas un. Bergman dévoile ainsi ici des portraits d'homme et de femme, peint l'amour, le vrai, et annonce au monde qu'il faut, quitte à y laisser des plumes, ne jamais hésiter à s'égarer, à quitter sa condition, plutôt que de s'y conforter.
Un bon film.