La stop-motion au top niveau... mais il manque un certain Tim Burton
Après avoir travaillé sur divers films d’animation en stop-motion (dont une collaboration avec Tim Burton sur Les Noces Funèbres), le studio Laika a vraiment connu la consécration dès son tout premier long-métrage : Coraline, réalisé par Henry Selick (celui à qui nous devons L’étrange Noël de Monsieur Jack). Avec un tel succès, difficile pour la production de ne pas continuer sur cette voie ! Mais avec un tel procédé d’animation, qui demande pas mal d’années de travail, il n’est pas étonnant de voir débarquer dans les salles leur nouveau long-métrage trois ans après la sortie de Coraline. L’étrange pouvoir de Norman (ParaNorman en VO), ou le film qui a poussé la stop-motion bien plus loin dans ses retranchements.
Il faut savoir que le procédé de la stop-motion était l’un des effets spéciaux les plus utilisés du cinéma avant l’arrivée du numérique. Dès lors, il était donc normal d’en voir le déclin aussi bien du côté des films live que de l’animation. Se limitant à de courts-métrages amateurs ou bien des séries animées pour la télévision. Mais s’était sans compter l’acharnement de Tim Burton ainsi que du studio anglais Aardman (Wallace & Gromit, Shaun le Mouton, Chicken Run…) qui permit à ce type de films d’animation d’exister encore, voire de revenir aujourd’hui sur le devant de la scène via de plus grosses productions. L’étrange pouvoir de Norman a notamment contribué à ce retour de la stop-motion dans le cœur du public.
Et avec ce long-métrage, Laika vient de faire un grand bon dans l’animation en stop-motion ! Depuis L’étrange Noël de Monsieur Jack, ce genre visuel a toujours su montrer des prouesses visuelles incontestables, alliant habilement figurines articulées et ajouts d’effets numériques sans que cela ne nuise un seul instant au résultat final. Mais jusque-là, ce type d’animation mettait toujours des personnages caricaturaux, aux traits grossiers et à la gestuelle parfois limitée. Rarement un film d’animation de ce calibre ne s’était montré aussi détaillé et travaillé que cet Étrange pouvoir de Norman : les personnages sont crédibles au possible, les décors semblent par moment réels, aucun défaut visuel ne saute aux yeux… L’étrange pouvoir de Norman est ce que le mot perfection visuelle pourrait être concernant la stop-motion. Et quand on sait le nombre d’heures nécessaires à l’élaboration de seulement quelques secondes d’animation (plusieurs semaines) et des moyens servant à la création des protagonistes (plusieurs marionnettes et visages pour un seul et même personnage), le rendu n’en est que plus impressionnant pour le spectateur, qui ne peut que rester bouche bée devant un tel résultat.
Après, il faut que le film d’animation en question ne se repose uniquement sur cet atout en ne se présentant pas comme une coquille vide. Le long-métrage se doit d’avoir un scénario qui puisse faire passer un agréable moment, aussi bien pour les enfants que les adultes. De ce côté-ci, L’étrange pouvoir de Norman remplit aisément son cahier des charges en étant un divertissement de très bonne qualité. Bien que certains passages puissent faire peur au jeune public, le film propose une histoire débutant un peu comme un hommage aux films d’horreur (les références vont de Scouby-Doo à Vendredi 13 en passant par L’Exorciste) pour se diriger vers la quête initiatique d’un jeune garçon tout en alliant bonne humeur, énergie et humour (principalement noir) sans jamais tomber dans la violence. Le scénario se permet même de casser certains codes typiques de ce genre de trame pour apporter un soupçon de fraîcheur (le fait que les zombies aient peur des gens), notamment le dénouement du film, inattendu et superbement écrit. Un film dont n’aurait pas renié Tim Burton !
Et c’est d’ailleurs ce qui manque à L’étrange pouvoir de Norman : la patte du réalisateur des Noces Funèbres. Ou bien même celle d’Henry Selick. Car malgré son visuel impressionnant et son étonnant scénario, L’étrange pouvoir de Norman ne restera pas autant dans les mémoires qu’un Étrange Noël de Monsieur Jack ou Coraline à cause d’un manque de poésie certain. D’accord, l’histoire est bien écrite et le film balance entre ambiance de film d’horreur et de comédie. Mais à aucun moment ce nouveau projet des studios Laika ne propose de passages magiques, émotionnellement puissants ou bien virevoltants. Juste le strict minimum pour que l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez et une musique divertissante. Jamais de quoi faire frissonner le public et c’est bien dommage. N’est pas Burton ni Selick qui veut !
L’étrange pouvoir de Norman est sans nul doute l’un des meilleurs films d’animation en stop-motion qui puisse exister, du moins du point de vue visuel et technique, si ce n’est le plus mémorable de ce point de vue. Néanmoins, il lui manque un soupçon de poésie et de charme pour être à la hauteur des plus grands titres de ce genre de divertissement. Attention, je ne dis pas que L’étrange pouvoir de Norman est un film d’animation potable, il est très bon notamment grâce à son écriture. Mais il aurait pu être bien plus que cela…