L’Etrangleur de Boston fut un tueur en série bien réel, qui sévit entre 1962 et 1964 dans le Massachusetts. Quelques années après son arrestation, Richard Fleischer réalise ce film presque documentaire sur l’affaire. « Presque » car contrairement à ce que prétend le générique, le scénario prend pas mal de libertés avec les faits… mais qu’importe tant il est cinégénique !
Ceux qui s’attendent à un polar haletant seront probablement déçus, car ce n’est clairement pas le but de « The Boston Strangler ». Le film, posé et minutieux, revient dans sa première partie sur une succession de meurtres sordides, qui créent la psychose en ville alors que la police réalise une enquête méticuleuse qui n’aboutit pas. Dans sa deuxième partie, il se focalise sur ce tueur dérangé et sa psychologie, interprété par un Tony Curtis éblouissant, sans doute dans l’un de ses meilleurs rôles dramatiques.
Ce qui frappe dans le film est la saisissante modernité de ses propos. On y évoque les conflits entre les entités des différentes juridictions, les médias friands de l’affaire, la panique qui s’installe en ville, et même la communauté gay qui, ciblée comme déviante par la police, est harcelée à souhait ! Ceci est associé à une réalisation particulièrement inspirée. Fleischer utilise régulièrement et extensivement le split-screen, à la mode à l’époque, pour retranscrire l’agitation de la ville. Mais cela lui permet aussi de construire des scènes de meurtres qui prennent aux tripes, mélangeant point de vue du tueur et de la victime. A ce niveau, on se croirait presque chez Brian De Palma !
Fleischer livre également bon nombre de plans audacieux (incursion d’un personnage en couleur dans un flash-back en noir et blanc), et de cadrages soignés. En particulier, il construit deux ambiances visuelles. Celle des appartements violés et de l’enquête, dans un ton grisâtre, avec des ombres inquiétantes et des travelings lents et posés, tranchant avec la violence visuelle assez relevée pour l’époque (nudité, viols plus que suggérés). Et celle de la confrontation psychologique, plus lumineuse mais tout aussi inquiétante de par ses plans oppressants.
On bénéficie en prime d’acteurs charismatiques incarnant les policiers : George Kennedy et Murray Hamilton. Mais surtout Henry Fonda, qui joue comme souvent une figure d’autorité intègre et apaisante, pour mieux masquer ici une personnalité plus sournoise.
« The Boston Strangler » est donc une œuvre audacieuse et intelligente, clairement dans le haut du panier de la filmographie inégale de Richard Fleischer.