L'Étrangleur de Boston de Matt Ruskin évoque la sordide affaire liée à une série de meurtres de femmes au cours du début des années 1960, se déroulant à Boston (c'est comme le Port-Salut… !). Certains d'entre vous ne sont pas sans savoir qu'en 1968, l'excellent cinéaste Richard Fleischer avait déjà évoqué ce sujet avec un autre film, intitulé pareil (sauf qu'il y a un "The" en plus dans le titre original !). Mais il ne s'agit nullement de copies conformes. Au contraire, les deux œuvres sont très différentes l'une de l'autre.


Le Fleischer adopte surtout le point de vue des policiers ayant participé à l'enquête et à l'arrestation d'Albert DeSalvo. Le Ruskin prend celui de deux femmes journalistes qui vont très fortement contribuer à la résolution des crimes. Le Fleischer défend la thèse officielle, celle du tueur en série unique, le Ruskin,tout autre chose. Et il est à préciser que le portrait peu critique des flics, donnant le meilleur d'eux-mêmes, dans le Fleischer (dont le principal est joué par Henry Fonda, qui était l'incarnation cinématographique de l'intégrité à l'époque... tout juste avant qu'un type du nom de Sergio Leone se plaise à pervertir cette incarnation, mais ça, c'est une autre histoire… !) ne se retrouve pas du tout dans le Ruskin, au contraire... (je vais y revenir !).


Je tiens juste à signaler que trop flatteur ou non, que véridique ou non, par sa réalisation, usant habilement du split-screen pour mettre en avant le côté sordide des meurtres ainsi que la peur ambiante, par un phénoménal contre-emploi de Tony Curtis dans le rôle-titre (qui sacrifie ici complètement son glamour charmeur et sa bogossitude !), le Fleischer vaut largement le détour.


Mais je suis là pour parler du Ruskin...


Alors, pour ce qui est de la mise en scène, c'est d'une grande platitude. La photographie terne et bleutée, pour bien souligner combien l'atmosphère est terrible, est trop vue et revue ailleurs pour faire la moindre impression. En outre, il n'y a aucune véritable originalité technique, aucune fulgurance sortant de la grammaire visuelle ou narrative la plus conventionnelle. Les années 1960 sont d'une propreté impeccable. Pas un grain de poussière ou un mégot de cigarette à trainer. C'est tout lisse.


Les premières minutes annoncent, avec des dialogues bien appuyés dans ce sens, qu'un des sujets abordés est le machisme dont les femmes sont les victimes, lors de cette période, lorsqu'elles avaient une activité professionnelle. Mais c'est très vite foutu de côté (à l'image de personnages secondaires, critiquant trop le côté "pas assez femme au foyer" de la protagoniste, à l'instar de la belle-sœur qui n'apparaît qu'une seule fois !). Je pense que le fait que le supérieur du personnage principal rechigne à confier à ce dernier les faits divers criminels était suffisamment éloquent pour faire comprendre cette situation, n'ayant nullement besoin d'être stabilotée.


Heureusement que le récit décide assez vite de prendre plutôt comme toile de fond le fait que les assassinats mettent en relief une société qui méprise les femmes. Ce qui se traduit ici par la négligence dont fait preuve la police pour résoudre les crimes (oui, on est loin du portrait, un poil plus élogieux, des forces de l'ordre du Fleischer !), parce que ces derniers concernent des "femmes de rien", et par une justice qui dessert la cause qu'elle prétend servir pour le même motif. Alors, évidemment, vous allez me dire que cette thématique, en 2023, n'a rien d'une nouveauté. C'est vrai. Néanmoins, elle cadre malheureusement très bien avec ce qui est raconté, donc elle coule de source.


J'avais dit précédemment que l'ensemble suit deux femmes. C'est un peu faux, car la reporter aguerrie, interprétée par Carrie Coon, n'est utilisée que très sporadiquement. Ce qui a pour conséquence que la dynamique d'un duo n'a pas le temps de s'installer efficacement.


Pour être plus clair, le film repose quasi-exclusivement sur le personnage de Keira Knighley (qui tient avec beaucoup de distinction sa clope !). Ce qui est positif, c'est que la comédienne a suffisamment de talent et de charisme pour porter le long-métrage à elle toute seule. Ce qui est négatif, c'est qu'en se concentrant sur la journaliste, à qui la Britannique prête ses jolis traits, on a l'impression qu'elle est l'unique être à devoir supporter l'horreur des actes atroces en train d'être commis. Alors que le Fleischer, en multipliant les points de vue, en montrant la panique en train de gagner la population, a le mérite de parvenir à exposer que tout le monde est touché.


Reste que Keira Knighley a un rôle intéressant et consistant, celui d'une femme forte, qui n'hésite pas à dépenser toute son énergie et même à risquer sa vie pour servir une cause noble. C'est en particulier pour cette raison, qu'en dépit de ses nombreux défauts, L'Étrangleur de Boston de Matt Ruskin se regarde sans ennui et avec intérêt du début jusqu'à la fin.

Plume231
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le 18 mars 2023

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