Ce long-métrage est d'une étonnante cohérence sur la longueur, pour une œuvre de 1913, à une époque où le court régnait de manière unilatérale — ou presque, il me semble. La maîtrise de la narration sur la durée présente quelques faiblesses, notamment dans l'utilisation vraiment trop parcimonieuse des cartons rendant le déroulement de l'action et la description des situations un peu évasives, mais l'ensemble se tient étonnamment bien et recèle quelques belles surprises.
La thématique faustienne, à commencer par elle, survient très agréablement, sans qu'on ne s'y attende. Il y a une belle place faite à la poésie dans cette séquence où un étudiant désargenté, désireux de devenir riche pour séduire sa belle, fait un pacte avec le diable sans le savoir, et donne son reflet dans le miroir en échange d'une grande somme d'argent. L'originalité ici réside dans le fait qu'il ne savait pas qu'il était en train de pactiser avec le diable et de lui vendre son âme, à la différence du film-type sur Faust, et ici débutera son calvaire avec l'apparition de son doppelgänger (l'occasion pour Stellan Rye et Paul Wegener de recourir à des techniques de trucage plutôt bien exécutées pour l'époque, avec une sorte de double exposition aux coutures presque invisibles).
Il serait bien sûr très tentant de voir dans ce déchirement existentiel à la limite du dédoublement de personnalité l'annonce de la division de la société allemande entre plusieurs classes. Là où le film fait en outre consensus, c'est dans sa dimension fantastique, première incursion du genre en long-métrage de l'histoire du cinéma (à confirmer). On pourrait également y voir une sorte de précurseur de l'expressionnisme allemand. Quelques moments de flottement sont à noter, mais à une époque où les codes cinématographiques du long-métrage n'étaient ni connus ni établis, on ne saurait trop en tenir rigueur.