L’Évangile selon saint Matthieu est l’entame d’un court cycle consacré à Jésus, un cycle que la petite Fleur et moi avons nommé « pizza, bière, Jésus ». Pasolini est loin d’être un inconnu et si films les plus marquants suivront celui-ci, il a déjà cette odeur de soufre en 1964. Deux ans auparavant, il fait la rencontre d’une asso catholique et ceci va le convaincre d’adapter un des quatre évangiles. Ceux qui viennent aujourd’hui pour le Décaméron ou Salo en seront pour leurs frais.
Le pitch, c’est ni plus ni moins qu’un des récits les plus célèbres au monde depuis 2000 ans. Inutile donc que je détaille ? Naissance de Jésus, révélation, prosélytisme, opposition au pouvoir local, crucifixion, résurrection pour un dernier rappel.
Comme je disais, si vous êtes là pour un spectacle de claquettes, vous vous êtes trompé de canapé. En effet, c’est l’austérité qui prime ici. Notre Jésus est interprété par un acteur amateur, au mono-sourcil perturbant, au moins autant que son strabisme indéfinissable. Surtout, notre Jésus ne dit que ce qui est écrit dans ledit Évangile. De fait, il s’agira davantage de monologues que de dialogues contradictoires. D’une certaine manière, même sans avoir enregistré goulûment sur VHS chaque diffusion du Jour du Seigneur, on connaît la chanson. Jésus parle comme un curé parce que le curé croit parler comme Jésus. On reconnaîtra la force de certaines citations, surtout rapprochées du contexte historique. On verra aussi la conviction de notre héros dans le regard chelou de son acteur. Quant à ses suiveurs, on peine à les distinguer les uns des autres et ils font un peu tapisserie dans cette histoire à la gloire du Messie. À propos de décor, on saluera le choix (apparemment habituel) de la petite cité de Matera, c’est vraiment spectaculaire. Autre élément de décor remarquable, la musique donne du relief à un récit par ailleurs unidimensionnel. Elle sublime certaines scènes particulièrement austères, les portraits notamment, qui rappelleront Eisenstein par l’expression des personnages.
Au final, très didactique, le film est intéressant pour celui qui avait quelques révisions à faire. Pour le fervent pratiquant, il n’y trouvera probablement rien qui pourrait lui hérisser le poil. Quant à savoir si ça se marie bien avec une bière bavaroise et une pizza regina, moyennement. Mais gageons que ça permet de remettre les pendules à l’heure avant de poursuivre le cycle.
>>> la scène qu’on retiendra ? L’arrivée de Jésus au temple. Il est là comme un genre d’anar punk à chien qui vient renverser le capitalisme pour fonder un monde autogéré où on se baladerait en duvet quand il fait froid à la fin de la free party.