L’évènement (Attention spoils)



Le film : En 1963, Anne, brillante étudiante d'origine sociale
modeste, est confrontée à une grossesse non désirée à une époque où
l’avortement est illégal et puni d’emprisonnement.
Adaptation cinématographique du livre éponyme de Annie Hernaux née
Duchesne femme de lettres française, professeur de lettres. Son œuvre
littéraire est essentiellement autobiographique principalement axée
sur la sociologie.



Le livre : L’occasion d’un dépistage à Lariboisière plonge Annie
Duchesne dans l’attente du verdict du docteur N. en 1963. Quatre ans
avant la légalisation de la pilule contraceptive et douze ans avant la
Loi Veil, ce récit autobiographique décrit le parcours du combattant
d’une jeune étudiante pour avorter. Elle est alors entourée d’un
gynécologue, de son petit ami, d’une faiseuse d’ange (ou tricoteuse en
référence aux aiguilles à tricoter), et de sa voisine de chambre. Elle
est prête à tout pour avorter, même à enfreindre la loi, car « comme
d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était
interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était
interdit ». Ce livre montre comment une jeune femme jugée trop libre
fait face au rejet des médecins, aux regards méprisants, aux tabous
ainsi qu’aux préjugés de classe.



Je suis sorti sous le choc, très très mal à l’aise. Merci Madame Simone Veil. De toute façon ces filles, ces femmes feront tout pour se faire avorter et ainsi mettre leur vie en danger alors autant que ce soit dans des conditions décentes dans un lieu médicalisé. Les affichettes discrètes placardées sur les devantures des officines pharmaceutiques proposant un voyage en bus vers les Pays-Bas où l’avortement est légal mais évidemment réservé à celles qui peuvent se le payer ont marqué Madame Veil..
Anne compte alors ses amies, une seule l’aidera (à couper le cordon) sinon c’est le froid désert d’une immense solitude. Un monde rétrograde où tout est terne, gris, sans couleur gaie ni joyeuse. Un ami lui donnera le nom d’une fille qui a déjà eu recours à l’aide d’une avorteuse qui demande 400 francs qu’Anne trouvera en vendant tous ses biens, livres, bijoux… Le statut de mère fille est peu enviable, finies les études, une vie quasi fichue. Elle n’a plus gout à rien, elle est très triste, elle a peur mais est déterminée à se faire avorter. Après cela elle change de vocation, de professeur elle veut étudier pour devenir écrivaine pour témoigner. La réflexion d’un mec est terrible « maintenant on peut baiser tu ne risques plus rien puisque tu es déjà enceinte »
Rien ne nous est épargné, l’intervention de la tricoteuse, le fœtus qui tombe dans la cuvette des WC après une première tentative ratée. La perte abondante de sang, l’arrivée dans un hôpital où un médecin compatissant conclura à une fausse couche plutôt qu’à un avortement ce qui aurait valu la prison à Anne ajoutant ainsi le malheur au malheur. C’était au bon vouloir des médecins, pile ou face. Certaines filles enceintes essayaient même de l’eau de javel ! La torture, utérus cramé…
On ne peut pas parler d’avortement sans parler du droit au désir de la femme finalement autant contesté que l’avortement lui-même. C’est aussi ce qu’ont voulu mettre en évidence les coscénaristes Audrey Diwan et Marcia Romano. Quant à la décision de se faire avorter elle appartient à la femme et à elle seule, ça ne regarde personne d’autre.


Lion d'or à la Mostra de Venise (05/09/21)


Réalisation : Audrey Diwan
Scénario : Audrey Diwan et Marcia Romano
Anamaria Vartolomei : Anne Duchesne
Anna Mouglalis : Mme Rivière, l’avorteuse
Kacey Mottet-Klein : Jean
Luàna Bajrami : Hélène, l’amie d’Anne
Sandrine Bonnaire : la mère d’Anne


A un moment de notre Histoire où toutes les vieilles sordidités et méchancetés, où tous les intégrismes et obscurantismes refont surface je me permets de citer quelques passages du chapitre consacré au combat pour la légalisation de l’avortement dans le livre de Simone Veil « Une vie » qui éclairera, j’en suis certain, les consciences des personnes qui voudraient nous imposer un retour en arrière. Ce n’est pas tant que ces personnes soient plus nombreuses mais c’est surtout qu’elles crient plus fort. Une bonne raison pour rester vigilant-e-s..



« …mais la loi restait la loi et tout le monde gardait en mémoire
l’usage ignoble qu’en avait fait le régime de Vichy en faisant juger
puis exécuter « pour l’exemple », le 30 juillet 1943 Marie-Louise
Giraud , blanchisseuse à Cherbourg, histoire sinistre reprise dans un
film de Claude Chabrol » (Une affaire de femmes sorti en 1988)



« C’est à elles et à elles seules que devait appartenir la décision,
c'est-à-dire l’appréciation de leur situation de détresse »



« Finalement la loi a été votée dans la nuit du 29 novembre (1974) par
284 voix contre 189 avec une courte majorité des voix de droite
complétée par la totalité de celle de gauche. La victoire était ainsi
plus large que nous ne l’avions imaginé et espéré. L’attitude de
certains catholiques avaient été à cet égard déterminante. La
position d’Eugène Claudius-Petit, par exemple, avait été très
attendue. Après avoir fait part de ses hésitations face à ce que ce
texte représentait pour lui, il tint à dire qu’en son âme et
conscience, n’ignorant rien de la situation réelle des femmes en
difficulté, entre ses propres convictions et la compassion qu’il
éprouvait pour elles, il faisait le choix de la compassion. »



« A notre vive surprise le texte passa plus facilement au Sénat,
peut-être sous la pression de l’opinion publique désormais acquise à
la réforme. Les outrances des « Laissez les vivre » comme
l’effervescence de l’extrême droite et l’intégrisme des proches de
Monseigneur Lefèvre ne parvinrent pas, bien au contraire, à convaincre
les sénateurs, toujours hostiles aux excès, de faire obstacle au
projet. »



« Après l’adoption du texte, nous avons eu la satisfaction de voir que
la presse lui était presque unanimement favorable Je ne parle ni du
Nouvel Observateur…ni de l’Express mais Le Figaro lui-même se fit une
raison.»



Extrait de la rencontre entre Audrey Diwan, réalisatrice du film, et la philosophe Camille Froidevaux-Metterie


La loi Veil est un exemple pour tous les pays où le combat reste à mener.

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le 28 nov. 2021

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Daziel

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