Martine et la Mère Maquerelle

Si vous ne vous connaissez pas ce brave Michel Caputo personne ne vous en voudras vraiment mais il faut savoir que ce réalisateur de la face obscure du cinéma hexagonale s'est souvent distingué par les titres très idiots de ses œuvres tant lorsqu'il œuvrait dans la comédie franchouillarde navrante que dans le film de boules grivois. C'est à monsieur Caputo que l'on doit Blanche Fesse et les sept Mains, Arrête de Ramer, t'attaques la Falaise ! , Les planqués du Régiment ou le magnifique Un taxi pour que j'te broute. En 1986 Michel Caputo succombe à la vague du polar hard boiled à la français et nous propose un film au titre étonnement sobre de L'Exécutrice dans lequel il embarque Brigitte Lahaie qui pose fièrement sur une affiche à la Belmondo avec blouson de cuir largement ouvert sur la poitrine et gros flingue à la main. Mais que les amateurs de cinéma déviant se rassure le film de Caputo est aussi outré et déviant que son titre est sobre et nous offre un très réjouissant nanar.

L'exécutrice c'est donc la gentille Martine tellement idéaliste qu'elle ne met même pas de balles dans son flingue pour ne pas l'alourdir. La jeune femme travaille sur une sordide affaire de vidéos pornographiques interdites dans laquelle trempe Madame Wenders une mère maquerelle qui n'hésite pas à faire kidnapper de très jeunes filles pour des réseaux de prostitution de mineures. Martine va toutefois mettre de côté ses principes et sa non violence lorsque sa propre petite sœur est kidnappée.

Amateurs de bon goût et de délicatesse passez votre chemin car si le sujet est grave et sensible Michel Caputo filme son polar avec la même sensibilité et délicatesse de mise en scène et d'écriture que ses films de cul et ses comédies pachydermiques. Si le film est un authentique nanar qui offre moults raison de se bidonner il faudra aussi s'accommoder d'effluves un peu plus malaisante comme le personnage d'homme de main interprété par le vétéran du porno Richard Allan tellement obsédé qu'il semble vouloir culbuter sans consentements la moindre actrice qui partage une scène avec lui. C'est tellement gras et vulgaire que ça en devient presque un des running gag les plus douteux de l'histoire du cinéma. D'ailleurs on sent globalement que Michel Caputo est un peu en manque de gaudriole tant il multiplie de façon gratuite, scabreuse, systématique et parfois douteuses les scènes de cul durant quasiment tout le film. Si Brigitte Lahaie trouve ici son premier grand rôle en dehors du circuit du cinéma X et des films de Jean Rollin, Caputo lui "impose" toutefois de nombreuses scènes de nudité à l'utilité très relative dont une scène de viol durant laquelle elle doit faire face sans pouffer de rire à un asiatique la tête coincé dans une capuche de k-way trop petite. La scène se termine d'ailleurs par un moment totalement improbable et hilarant avec un receveur des postes et justicier qui cache un fusil sous sa gabardine.

Niveau polar il sera bien difficile de prendre un minimum le film au sérieux, en même temps lorsque votre chef de service est interprété par Michel Modo figure de la comédie populaire française (Les gendarmes - La Septième Compagnie - Pétrole Pétrole - La grosse pagaille), que votre assistant est Jean Hugues Lime la grande gigue révélé par Le Petit Théâtre de Bouvard et que vous avez une affiche d'un film d'Aldo Maccionne qui trône fièrement dans votre bureau ça n'incite pas à la crainte des forces de l'ordre. Pas facile de prendre le film tout entier au sérieux d'ailleurs avec son art du montage elliptique, ses comédiens approximatifs et ses punchlines bien moisis comme lorsque un flic lance au truand qu'il vient d'abattre "tu vois c'est pas pire que chez le dentiste " ou qu'après avoir tué un balance on balance l'air détaché "T'étais une casserole maintenant t'es une passoire". On trouveras d'autres répliques amusantes sur le registre grivois "ici pas de gros lots y-a que des lolos" et même littéraire (et oui monsieur) avec cette explication à l'adultère sur le fait que dans le dictionnaire après les mots fiancée et fiançailles vient le mot fiasco. Le film réserve son lots de séquences bien ringardes et de situations débiles comme lorsque trois voyous habillé n'importe comment entre le carnaval et les panoplies de farces et attrapes (c'est totalement indescriptiblement ridicule) s'en prennent à un clochard façon Orange Mécanique ou que notre vilaine maquerelle échappe à la police en piquant en sprint vu qu'elle était championne de course à pieds dans sa jeunesse. Je pourrais encore citer des tas de moments totalement autres qui échappent à toutes logiques comme lorsque Martine tombe littéralement dans une partouse et reste engluée dedans, qu'un voyou échappe façon torero à une voiture qui le poursuit en lançant des petits "raté" moqueur à chaque esquive ou que le flic badass caché derrière un mur dit coucou avant de coller une bastos à sa cible.

Si l'on fait abstraction de la gravité de son sujet traité avec désinvolture et une indigente absence de compassion L'Exécutrice peut se regarder comme un plaisir très coupable et comme l'un des pires représentant du polar eighties hexagonal pas trop loin du Facon de Paul Boujenah. En tout les cas moi je me suis vraiment bien marrer.