Filmer l’exercice politique n'est pas chose aisée, beaucoup s'y sont attelés, peu ont réussit l'exercice. Ici, c'est une réussite (presque) bluffante tant l’œuvre épouse l'homme, l'humain, le monde sans être jamais pourfendeur de leçons ou garant d'un manichéisme qui habite tout résumé politique en général. Ici, et là est une des forces du film, ce n'est pas un énième biopic que l'on nous sert. Le pouvoir en place n'est pas identifié ou ramené à un simple gouvernement. Il n'y a donc pas de jugement à proprement parler mais plutôt,un point de vue sur le monde politique et ses arcanes secrètes. Et les cauchemars d'un homme, qui apparaissent dès les premières images. d'un homme englouti à proprement parler.
On entre alors au cœur des sacrifices que doit faire ce ministre des transports (Olivier Gourmet, simplement génial) pour exercer un pouvoir qu'il n'a pas. Il est presque un pantin à qui on dit ce qu'il faut dire et faire, pris de court par une réforme qu'il ne veut pas mettre en place mais qu'il doit se contraindre à accepter pour garder sa place. Ainsi, c'est un homme sans pouvoir qui est filmé, mais plein d'un corps qui "rempli le vide". Il met en place des stratégie qui toujours, sont en fin de course, sortent de la piste, parfois aboutissent. C'est surtout, avec ce regard froid et presque clinique sur la politique, des sorties de route que filme Schoeller, au propre comme au figuré. Des politiques qui veulent tout mettre en place tout de suite, à l’efficacité, comme ce chauffeur mutique qu'on embauche pour un stage lors d'un entretien rapide, vide, sans intérêt pour la personne embauchée. Elle fera l'affaire, pour l'exemple, pour l'hommage qui ne se fera jamais que dans un chuchotement dans l'église.
Rien alors, à l'image de la maison du chauffeur, ne s’achève quand on a la volonté mais pas les moyens, quand on est broyé. Le regard n'est jamais misérabiliste, et cela tient à des dialogues finement écrits, qui font mouche, à des plans où la caméra survole, où elle suit les visages et à des moments poignants, drôles, cyniques, doux et jamais simplement des "moments de vie", c'est bien plus que ça, c'est comme une chorégraphie. Où l'on rit, pour la seconde d'après étouffer, vouloir changer d'air, quand rode la mort, quand l'Etat semble impuissant à faire plus que compatir, il devient alors même impossible de "chante(r) un baiser" avec Souchon, il faut vomir ce trop plein de symboles. Accepter de changer, rebondir, y croire encore même quand le réalisateur, lui, a depuis longtemps perdues, mais avec brio, ses ambitions sur la politique des hommes plus que des partis. D'autres routes s'inscrivent, reste à voir quand sera le prochain freinage ...