« Ton frère tue des gens de sang froid »
Là où L'Exorciste fait dans le sensationnaliste ésotérique, L'exorcisme d'Emily Rose offre une vision plus nuancée du thème de la possession d'un être humain par le diable.
L'action se passe au tribunal, au cours du procès du prêtre « à cause de qui » Emily est morte ; tout l'enjeu du procès résidant dans la définition de la responsabilité de l'homme de Dieu dans ce décès.
Le film aurait sûrement gagné à ne rester que dans la cour de justice : j'ai en effet trouvé que les scènes tournées chez l'avocate dans le but d'appuyer la version surnaturelle de l'histoire étaient superflues, et desservaient le propos du film. Celui-ci aurait été plus intéressant si les deux interprétations avaient été présentées de manière équilibrée. Il est clair que le scénariste a choisi de nous faire pencher en faveur de la vision ésotérique, et a donc un peu décrédibilisé la double approche, timidement tentée dans son scénario.
L'histoire d'Emily Rose, on la découvre à travers les flashs back qui suivent les dépositions de différents appelés à la barre. Certains faits ont été tournés deux fois : une première fois pour coller aux propos de certains témoins, de façon très sensationnaliste (sans apparaître pour autant surnaturels), et nous sont resservis ensuite lors de la plaidoirie de l'avocat représentant le peuple (le méchant avocat moustachu, qui veut envoyer le gentil prêtre en prison). Et la seconde version explique rationnellement chaque évènement arrivé à Emily.
On ne peut pas reprocher à Scott Derrickson d'avoir inséré des scènes façon « ta mère suce des bites en enfer », ou « merde, j'ai la tête qui tourne », « ben voilà que je vomis maintenant, c'est malin », ou encore « eh eh eh regardez je sais faire l'araignée à l'envers dans les escaliers ça défonce d'être l'hôtesse du malin !!!1 ». Non. Tout est crédible. Cette fille pourrait tout aussi bien être possédée par le diable que juste complètement folle et forte en langues étrangères. C'est ce qui fait l'intérêt de ce film. Car il ne se contente pas d'une approche (même s'il en privilégie une, comme dit plus haut), contrairement au Requiem de Hans-Christian Schmid, traitant aussi du même fait divers (la mort de Anneliese Michel en 1976 en Allemagne, suite à des épisodes psychotiques/de possession démoniaque), mais à travers le prisme de la psychose uniquement.
Jennifer Carpenter est plutôt carrément convaincante en folle/possédée (rayez la mention inutile), même si ça fait bizarre au début de voir Deb Morgan en robe à fleurs de paysanne. Le prêtre est magistralement interprété par un Tom Wilkinson très convaincant, très humain. Laura Linney m'aura moins séduite en avocate aux dents qui rayent le parquet, puis qui finit par devenir sensible paskelle a un grand cœur, au fond. Et sinon, son assistant, on sait pas trop à quoi il sert à part porter des valises.
Pour résumer, je trouve que L'exorcisme d'Emily Rose est une belle tentative de confronter deux approches d'un fait pouvant être vu par les esprits scientifique comme totalement rationnel et par les personnes enclines à croire en des forces maléfiques comme surnaturel. C'est dommage qu'il tombe dans la facilité du sensationnalisme et du manichéisme. On le sait qu'un prêtre c'est gentil : pas besoin d'en rajouter avec des personnages détestables de l'autre côté, pour qu'on se sente plus proche de la défense – et donc du surnaturel. J'aurais bien mis un 7.5 mais pas possible sur Sens Critique, ça sera donc 7.