Discret depuis l'accueil tiedasse de son dernier film, le cinéaste Jean-Pierre Jeunet part filmer son nouveau film tout seul dans son coin, à l'abri d'une attente démesurée, le poussant enfin à se remettre un minimum en question, ce que le papa d'Amélie Poulain n'avait pas du faire depuis un moment.
Par le biais d'un roman jeunesse, Jeunet laisse de côté son univers tout personnel et immédiatement reconnaissable (et devenu un brin encombrant) et acquiert une certaine forme de modestie, abandonnant l'aspect outrancier de sa mise en scène habituelle pour se vouer totalement au récit initiatique qu'il raconte.
A savoir une fable faussement naïve où la légèreté ambiante sers de contrepoids à un fond extrêmement sombre, Jeunet illustrant avant tout un récit cathartique où il est question de la perte d'un être cher, d'un fils, d'un frère, de culpabilité et de pardon. Le cinéaste et son scénariste ont le mérite d'éviter le mélo et de ne pas reposer l'intégralité de leur film sur cet aspect larmoyant, posant les enjeux dès les premières minutes.
Malgré quelques effets en trop, un certain manque de folie et une dernière bobine tombant dans la facilité avec sa description peu inspirée de la récupération du jeune prodige par l'élite intellectuelle et la télévision, "... T.S. Spivet", s'il est loin d'être véritablement original, est un moment agréable et empreint d'une émotion sincère, attachant, bien joué et filmé avec une force tranquille rappelant par instant le Scorsese de "Hugo Cabret" (toute proportion gardée), vision aussi bien fantasmée qu'amère de l'Amérique vue par un metteur en scène visiblement décidé à passer à autre chose.