Bon, il y a de jolies couleurs, de jolis paysages. Jean-Pierre Jeunet réutilise ses gimmicks visuels et narratifs qui ont fait une partie du charme de son cinéma jusqu'à Amélie Poulain inclus, trahissant au passage une incapacité à se renouveler visuellement, mais bon, ce serait tout à fait acceptable si cela était au service d'un bon contenu.
Parce que l'ensemble se révèle creux principalement pour une raison. Le gamin est présenté comme quelqu'un portant le poids de la mort de son frère, en se croyant responsable de cette dernière.
Donc, plus que le prix scientifique (surtout un prétexte pour fuir une ambiance familiale lourde et pour se donner un but géographique !), le véritable moteur psychologique qui devrait pousser l'enfant prodige à quitter son Montana familial pour aller à Washington, c'est le poids du deuil et celui du remord. Or, ce n'est jamais approfondi. Jeunet y fait une petite référence de temps en temps (quand il ne perd pas son temps par exemple à mettre en place un personnage secondaire qui ne sert à rien, en ne faisant pas avancer l'action ou en n'apportant pas une parcelle d'évolution psychologique à notre très jeune homme ; aspect gênant qui participe aussi à la vacuité générale !), comme si c'est cela n'avait aucune importance. Bordel, cela aurait dû constituer la raison d'être qui imprègne le tout du début jusqu'à la fin.
Parlons-en de la fin justement, enfin des dernières minutes (sans m’appesantir sur le fait que l'on a le droit à une confrontation caricaturale bien stupide des gentils et purs de l'Amérique profonde face aux méchants profiteurs et superficiels des grandes villes !), le deuil, la complexité du remord, tout ça, c'est jeté comme un tampon usagé dans la cuvette des toilettes en n'oubliant pas de tirer la chasse. La mièvrerie et des bons sentiments couvrent l'odeur. Tout s'arrange en un claquement de doigt. Tout le monde se retrouve content, comme si rien de grave n'était arrivé, comme si la pesanteur n'a plus lieu d'être.
Attention, je ne suis pas contre montrer la famille essayant d'aller de l'avant en se soudant malgré tout, je suis contre le fait que l'impact moral de l'acte mortel ayant fauché un gosse soit traité par-dessus la jambe, que le sentiment de tristesse se dissout aussi rapidement et facilement qu'un mal de tête après avoir pris un cachet d'aspirine.
Évoquer les grosses invraisemblances scénaristiques paraît dérisoire à côté. Bon, je souligne quand même des flics ou des gardiens ferroviaires qui n'ont pas les moyens de prévenir leurs collègues que le fugueur a pris tel train se dirigeant vers telle direction ou qu'il se trouve dans telle ville. Et pourquoi prendre le risque de se faire passer pour un personnage en carton dans le camping-car Ford (placement de produit quand tu nous tiens !) alors qu'il suffit de se planquer sous les meubles ou de se plaquer sur le sol pour ne pas être vu (ceux qui ont vu le film comprendront !).
Bref, en n'osant pas du tout affronter la noirceur potentielle de son récit, donc en occultant sa profondeur potentiel (puisque les deux sont liés !), Jeunet se rate complètement.