Jean-Pierre Jeunet, le retour. On se réjouit de revoir le Jeunet de "Delicatessen", du "Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" ou encore "Alien 4" (je sais, pour celui-là certains vont grincer des dents). On se réjouit moins de revoir le Jeunet du faiblard "Un long dimanche de fiançailles" ou pire celui de "Micmacs à tire-larigot", son dernier film, qui marquait une panne flagrante d'originalité, voire même une vague imitation de son propre cinéma avec des personnages trop désincarnés pour pouvoir emporter le spectateur. "T.S. Spivet" est donc un tournant dans la carrière du réalisateur le plus perfectionniste du cinéma français qui rebat les cartes ; retour en langue anglaise (comme son « Alien » 15 ans plus tôt), adaptation d’un livre (comme « Un long dimanche… ») et nouveauté, utilisation de la 3D native (le film s’offre même la tagline sous le titre « un film réalisé en 3D par Jean-Pierre Jeunet » histoire de bien appuyer). Jeunet nous promet une révolution en la matière. Nous on attend les preuves que JPJ est encore dans la partie.
Ça part mal. Le film ne prend pas la peine d’introduire ses personnages, mais amorce directement l’histoire via une voix-off un brin pesante, qui dispose l’échiquier des personnages de manière trop didactique. Ça marchait dans « Amélie Poulain » car il réussissait chaque mini-portrait de manière touchante, mais ici c’est trop dilué et rapide pour que la sauce ne prenne. Jeunet balbutie son cinéma, bégaye, entreprend des partis-pris assez osés mais sans jamais aller au bout… Pire, le film s’enfonce bien vite dans une imagerie de carte postale ; comme il idéalisait un Paris rêvé (ce qui lui était reproché mais qui sonnait avec le reste du film que je trouve admirable), il livre ici une vision idéaliste, un brin vieillotte d’une Amérique paysanne post-cowboy. Sauf que tout sonne assez faux et s’enfonce vite dans une imagerie de pub « Herta ». Sans saucisses mais tout aussi indigeste que ces dernières ; c’est encore un avis tout à fait personnel… Mais le débat n’est pas là, retournons à nos moutons. Ou à nos chèvres plutôt.
Le film se rattrape malgré tout quand le petit Spivet entreprend son voyage à travers les USA. De ce voyage il apprendra beaucoup sur lui et sa famille. Le but de son voyage n’est que prétexte à le confronter à ses propres démons. On appelle ça grandir. On trouvera là finalement les meilleurs scènes du film, avec de belles fulgurances de mise en scène mais une réal assez sobre dans l’ensemble. Hélas cela ne gommera jamais le gros défaut du film qui est son acteur principal. Aussi mignon qu’il est du haut de ses 10 ans il n’est pas à la hauteur de l’interprétation exigeante que nécessitait son rôle. Ainsi l’émotion est souvent vite désamorcée à cause d’une interprétation inégale de la part du jeune acteur, souvent trop frêle pour porter la dimension dramatique du film. La trame du film fait souvent penser à l’excellent « Extrêmement fort et incroyablement près » sans jamais atteindre sa puissance émotive qui était due en grande partie à son jeune interprète Thomas Horn. Ici le film ne touche hélas pas vraiment, et rate ainsi sa dernière partie, un peu facile et attendue. Heureusement le générique final, une pépite, sauve la mise pour que le spectateur sorte avec au moins une note positive. Ça fait léger quand même…
Une pub Herta à gros budget et un jeune acteur pas franchement convaincant. Jeunet convainc certes plus que son dernier "Micmacs" (en réussissant quelques belles scènes en milieu de récit) mais peine à tenir en haleine tant les enjeux et les émotions sont faibles et qui rend le film aussi indigeste que son titre à rallonge. On attendait mieux.