Le début de l'histoire: Catherine Sloper (Olivia de Havilland) est une jeune fille effacée, dont la vie change à la venue de sa tante Lavinia Penniman (Miriam Hopkins), qui s'installe dans la maison où elle habite avec son père Dr Sloper (Ralph Richardson). Sa tante pousse Catherine à devenir plus sociale et à trouver un mari. Quand elle rencontre le beau Morris Townsend (Montgomery Clift) lors d'un bal, Catherine est surprise par l'attention qu'il lui porte, une attention qu'elle n'a jamais reçue auparavant, et elle devient resplendissante. Catherine tombe follement amoureuse de Morris, et ils prévoient de se marier.
Catherine est majeure et reçoit 10 000 $ par an de la succession de sa mère et devrait recevoir 20 000 $ de plus par an après le décès de son père. Le Dr Sloper pense que Morris, beaucoup plus attrayant et charmant que Catherine, mais pauvre après avoir gaspillé son propre héritage, est un oisif courtisant Catherine uniquement pour obtenir son revenu. Tante Lavinia est en faveur du marriage malgré tout, étant à la fois romantique et pragmatique pour voir cela comme la chance de Catherine d'avoir une vie conjugale heureuse, car Morris semble aimer sincèrement l'honnêteté et la gentillesse de Catherine.
La star: Le caractère de Havilland du début, de ne pas contredire son père, ne pas penser du mal des autres, être complice avec sa tante, et faire confiance aux mots tendres du soupirant, est admirablement joué.
Je n'ai jamais vu une actrice réussir à faire sa gentille vraiment gentille d'une manière aussi convaincante que Havilland. Pour moi une des toutes meilleures performances d'actrices et aussi un des tout meilleurs oscars de la meilleure actrice dans un rôle principal. Même traits de caractère, mais bien meilleur jeu et plus grande profondeur de rôle que celui de Mélanie Hamilton dans "Autant en emporte le vent". Car ici, la gentillesse est au début une timidité voire une naïveté, mais est ensuite assumée comme confiante et amoureuse, et liée au soulagement d'avoir enfin trouvé une personne qui lui parle d'amour. Donc une gentillesse avec de la profondeur mentale et d'analyse, pas idiote du tout, exactement l'opposé de l'expression "elle est gentille" dans "le père noël est une ordure".
Et puis, en ces temps de méchanceté généralisée à l'écran, sur internet, au travail, partout, il y a pour moi un vrai besoin de célébrer l'altruisme, pas que celui des médecins et du corps médical, et la gentillesse, et le fait d'être sympa, comme principe de vie sociale. C'est un film dont j'avais vraiment besoin au temps du virus!
La dramaturgie: Jusqu'au deux tiers/trois quart du film, elle ne doute de rien.
Mais elle se fait berner par tous: son père, son amant, sa tante.
Le jeu des trois autres acteurs est d'ailleurs tout autant excellent. Seulement leurs rôles ont moins de profondeurs et de variations d'émotions.
La métamorphose se produit avec la méchanceté et dureté incroyable du père qui ose dire à sa fille qu'il l'a toujours considérée comme une idiote ennuyeuse. Donc c'est une première scène du film avec une seule phrase terrible, qui ouvre les yeux, et transforme la gentille en méchante. Il y en a une deuxième quand elle annonce à son fiancé qu'elle renonce à son argent, et que l'homme qu'elle aime, voyant qu'il n'aura pas la dot, la laisse tomber et s'enfuit.
Là, elle devient vraiment clairvoyante avec sa tante, et elle se trouve subitement prise bien plus au sérieux par elle.
Leçons de vie: Donc ce film est, avec ses échanges parents-enfants, un donneur de leçons de vie, mais bizarrement en évitant le paternalisme ou le ton missionnaire, et ça passe. Il dissuade tout homme de jamais vouloir se marier pour de l'argent: gare aux souffrances subies lors de la découverte que l'amour déclaré cachait l'intérêt matériel, car c'est cette déception qui fait souffrir et qui génère la méchanceté. Et ce film semble aussi vouloir mettre en garde une femme riche de faire confiance à ses proches. C'est aussi un film qui montre un père qui n'est pas un papa, mais un monstre d'absence d'amour, de bienveillance et de reconnaissance. Donc le donneur de leçon de père est celui qui reçoit la plus grosse gifle: À vouloir défendre son héritage, l'homme perd sa fille, l'absurdité suprême d'une vie.
Pendant le film, j'ai cru un instant au rêve d'Olivia de tout réussir: convaincre son père que son amoureux n'était pas là par intérêt; convaincre son prétendant de l'aimer pour elle-même. Et patatras: tout faux!
Au final: C'est d'un dramatique et d'un pessimisme sur le thème "trop bon trop con" qui empêche de mettre un 10 malgré un jeu d'acteur extraordinaire. Le pessimisme du fond et l'aspect donneur de leçon barbant n'est pas renforcé par la mise en scène, qui est plutôt rapide, changeante, prenante et enjouée. Les gros défauts ne sont peut-être que l'effet du scenario et du livre à l'origine de l'histoire.