Ce film aurait dû sortir en salles cette semaine. Il aurait donné un écho formidable à la démission de Nicolas Hulot et une belle continuité aux marches pour le climat.
D'un bout à l'autre, Sébastien Marnier instaure un malaise palpable, fait monter la tension sans discontinuer jusqu'au climax et nous laisse sans voix avec un final assez perturbant au premier abord. Il nous met face au violent désenchantement de ces 6 enfants qui, ne croyant plus à la possibilité de sauver l'espèce humaine, s'entraînent à ne plus rien ressentir, et à l'anxiété très imagée de Pierre, incarné par un Laurent Lafitte impeccable. L'ambiance musicale, composée par Zombie Zombie, joue aussi beaucoup dans l'immersion dans cette fable amère.
Je vous avouerai qu'en sortant de la salle, je ne savais pas trop quoi penser de ce film. Je n'avais rien à redire sur tout ce qui précède le climax mais la fin m'avait perturbé. Heureusement, en discutant avec ma compagne, qui a lu La métamorphose de Kafka, je me suis rendu compte que je n'avais rien compris. Attention, spoilers :
Ce film cherche à nous transmettre un message clair. Il est écrit comme un électrochoc visant à nous faire prendre conscience de l'urgence écologique.
Dans ce cas, pourquoi la fin est-elle si fataliste ? Si tout est effectivement foutu, à quoi bon changer les choses ? Pourquoi n'irait-on pas faire la fête en attendant la fin du monde ?
Mais un détail m'avait échappé. Le personnage de Pierre écrit une thèse sur Kafka, et c'est tout sauf anodin, la présence des cafards le prouve. Dans La Métamorphose, ce n'est pas tant la transformation du personnage en cafard qui est décrite que celle de son entourage, dont la perception évolue au fil du récit. On retrouve le même schéma dans L'heure de la sortie. Dès le début, les enfants sont déjà lucides sur ce que nous réserve l'avenir, c'est la vision de Pierre qui va évoluer.
Pierre jette son mégot par terre et se fait réprimander par Apolline, qui souligne un peu plus tard qu'il appartient au passé, en lui lançant que leurs DVDs devraient lui plaire parce qu'ils sont vintage. C'est le choc des générations. La nouvelle génération en veut à la précédente qui lui a laissé un environnement pollué. Mais Pierre ne se résume pas à un vieux con de gauche aux idées arrêtées, comme semble le croire Apolline. Il faut voir tous les évènements étranges qui se produisent dans son appartement comme la représentation imagée d'une prise de conscience progressive : ce ne sont pas les enfants qui le harcèlent mais son subconscient qui le travaille. Les pannes d'électricité (crise énergétique), les cafards (parmi les seuls animaux qui survivront à une catastrophe nucléaire), l'eau orange (pollution des ressources), auxquels on pourrait ajouter la grêle (dérèglement climatique), ne sont que les manifestations mentales de Pierre qui, au contact des enfants, comprend petit à petit que quelque chose ne va pas sans saisir vraiment de quoi il s'agit. Ce n'est qu'à la fin, face à l'explosion de la centrale nucléaire (tout aussi fictive que le reste), qu'il comprend enfin la vision des enfants. Apolline prend sa main car il a enfin compris et fait désormais partie du groupe.
Le côté positif à côté duquel j'étais passé, c'est que Pierre n'est pas le seul à avoir évolué. Après avoir tenté de se suicider, les enfants semblent avoir retrouvé la joie de vivre lorsqu'ils s'installent au bord de l'eau. Mais la réalité les rattrape et l'urgence sonne. Lorsqu'Apolline prend la main de Pierre face à l’explosion, l'heure n'est plus au conflit des générations mais à la réconciliation car ce n'est qu'ensemble que l'on pourra enrayer l'apocalypse.