Film méconnu, qui n'est même jamais sorti en salle en France, mais qu'Internet permet désormais de découvrir, L'heure de la vérité aborde un sujet audacieux pour l'époque, alors que l'arrestation d'Adolf Eichmann vient d'ébranler la jeune Israël. Audacieux pari, car raconter l'histoire d'un ancien dignitaire nazi (Hans Werner) ayant fuit après la guerre en Israël, se faisant passer pour un juif, assassiné en déportation, ancien membre d'un Sonderkommando (Jonathan Strauss) qui était sous ses ordres, relève d'une certaine témérité. Un sujet difficilement abordable, mais dont Henri Calef, le réalisateur, arrive à saisir avec maturité.
De quelle vérité parle-t-on ? Celle de l'honnête Jonathan Strauss, ayant construit sa vie en Israël depuis une quinzaine d'années, ou bien celle de cet ancien SS Hans Werner, bourreau (presque) disparu ? Lorsque ces deux êtres se mélangent, comment distinguer une vérité ? Se peut-il que dès lors qu'il fut Hans Werner, qu'il le subsiste pour toujours, et que Jonathan Strauss n'ait jamais existé, une simple substitution ? L'heure de vérité survient lors de l'arrivée d'un sociologue américain, sur les traces de l'assassin Hans Werner, qui vient perturber la vie ordinaire du jeune couple israélien. Car oui, Hans Werner alias Jonathan Strauss a construit une nouvelle vie, et s'apprête à avoir un enfant, avec une israélienne. L'immixtion de ce personnage entraîne tous les remous du passé. Pas une seconde les autres protagonistes ne doutent du passé de Jonathan Strauss, pas une seconde. Ces doutes, ces abcès de folie, ne peuvent être imputable qu'à un honnête repenti. Impossible qu'un homme renferme cette contradiction, ce mensonge au fond de lui, si pris de remords, semble-t-il, face à ses proches suite aux questions du sociologue. N'a-t-il jamais été honnête? Où est la vérité ? L'heure de la vérité est un cauchemar psychologique, l'histoire d'êtres perdus, condamnés, malmenés par les tragiques décisions d'un homme. Des interprétations justes et excellentes, une mise en scène peu innovante, certes, peut-on lui reprocher, loin du génie cinématographique de Sidney Lumet dans Le prêteur sur gages, mais mise en scène banale. Terriblement, affreusement banale.
Devoir de mémoire, de justice, de vérité, L'heure de vérité aurait mérité plus qu'une sortie en salle. Un film que je ne peux que recommander.