L'heure du crime

Voilà un polar de type whodunit qui risque de rebuter une majorité de spectateurs…
En effet, même moi qui suis un grand fan d'Agatha Christie, j'étais resté perplexe et peu enthousiaste à l'issue d'un premier visionnage, déconcerté par le jeu outré de Laura Smet et par la relative mollesse de l'ensemble.

Car "L'heure zéro" est l'adaptation du roman éponyme de la Reine du Crime - assez méconnu, dans la mesure où il ne met en scène ni Hercule Poirot ni Miss Marple - que le français Pascal Thomas, surfant sur le succès de "Mon petit doigt m'a dit" (premier volet des aventures du couple Beresford, autres héros christiens dont le réalisateur tirera un triptyque), se fait une joie de transposer à notre époque sur la côté bretonne.

Et justement, ce que j'ai beaucoup apprécié au cours de ce deuxième visionnage, c'est cette aptitude de Thomas à adapter fidèlement la romancière britannique tout en dépoussiérant le cadre et en modernisant les personnages. En effet, ces derniers correspondent admirablement bien aux archétypes christiens (la garce ouvertement vénale, la rivale discrète et maladivement timide, la domestique hyper émotive…) tout en s'inscrivant davantage dans l'époque contemporaine (par exemple, la veille dame impotente campée par Danielle Darrieux s'écrie "C'est de la merde!").

Si la transposition des protagonistes s'avère pertinente et malicieuse (le superintendant Battle devenant le commissaire Bataille, joliment incarné par François Morel), on pourra en revanche retourner l'argument au niveau de l'intrigue, laquelle souffre à l'inverse d'une adaptation qu'on pourra qualifier de paresseuse, à l'image des saynètes introductives qui ouvrent le roman comme le film, et qui ne facilitent pas l'immersion du spectateur.
On aurait sans doute pu imaginer un autre procédé, davantage cinématographique...

L'avantage, c'est que l'intrigue fonctionne admirablement sur les deux supports, Pascal Thomas n'ayant qu'à se reposer sur les formidables trouvailles scénaristiques d'Agatha (le coup du meurtrier soi-disant gaucher : excellent!) pour dérouler un whodunit efficace et surprenant dans son dénouement.

Le réalisateur peut alors se contenter d'y injecter son humour et son esprit sarcastique, s'appuyant sur des comédiens en forme, à commencer par Laura Smet (on y revient) qui cette fois-ci m'a véritablement enchanté dans son numéro - toujours casse-gueule - de petite pétasse braillarde et mauvaise comme la gale.

Pour finir, j'ai beaucoup apprécié le décor breton au mois de septembre (tournage aux environs de Dinard), avec cette villa majestueuse, ce bac désuet pour la traversée, ces plages typiques…
Cela a contribué à me plonger dans une douce torpeur le temps du film, renforcée par les voix basses et suaves de plusieurs personnages (Chiara Mastroianni, Alessandra Martines, Melvil Poupaud, Jacques Sereys, et plus encore Clément Thomas).

Sensation certes extrêmement subjective, mais ô combien agréable, de se laisser hypnotiser par les sonorités et les atmosphères d'un film...