Assez vite, Mikio Naruse donne le ton de son oeuvre, avec une introduction glaçante, avant de nous faire suivre le parcours et destin d'une femme que la vie et les hommes ne vont jamais vraiment épargner.
Naruse va en dresser le portrait avant, pendant et après la Guerre, en faire un symbole de cette société japonaise où la femme n'est qu'un fantôme, et il construit habilement son récit entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1960. Le cinéaste montre surtout à quel point le sort d'une femme est liée aux hommes, elle sacrifie sa vie pour ceux qui tournent autour d'elle (père, mari, enfant...), et, avec bien plus d'intelligence et de justesse que les auteurs actuels, apporte une réelle réflexion, ainsi qu'émotion, sur ce combat.
Là où Naruse démontre un implacable talent de metteur en scène, c'est qu'il ne fait pas de cette histoire un film austère ou froid, il en fait une oeuvre touchante et délicate, sachant faire ressortir les émotions venant de cette femme, mais aussi la mélancolie du temps qui passe et du ravage de celui-ci. Il met en avant une femme sensible, jolie ou encore fragile, et il parvient à en tirer une vraie dramaturgie sans tomber dans la lourdeur ou le mielleux, tout comme son discours féministe et sur les errements des hommes, qui est avant tout juste et subtil.
L'histoire est d'une grande richesse, tout comme les personnages, et il parvient à tous les rendre intéressants, qu'ils soient attachants ou antipathiques, alors que les dialogues sont toujours d'une grande intelligence et simplicité. L'émotion ne passe pas par le pathos, mais bien par divers moments de vies, à l'image de la honte d'une mariée. Il démontre un certain savoir-faire derrière la caméra, que ce soit dans l'utilisation du flash-back, mais aussi ses plans, toujours justes, un cadre passionnant et de remarquables comédiens, Hideko Takamine en tête où l'on ne peut être qu'admiratif de sa grâce et sa justesse.
Mikio Naruse sublime Hideko Takamine et propose avec L'Histoire de la femme une oeuvre forte, captivante ou encore bouleversante, traversant les époques et évoquant le destin d'une femme dans une société où elles ne sont que des fantômes, avec justesse, mélancolie, retenue mais surtout émotion.