Le cinéma est une histoire de point de vue et de distance, et c'est particulièrement vrai avec ces "films à sujet" dont on regrette souvent qu'ils n'aient pas plutôt donné lieu à des documentaires qu'à des fictions.
Ici Boris Lojkine parvient à nous faire toucher du doigt ce qui peut être la vie d'un Souleymane tout en n'oubliant pas de donner une existence propre, de la chair à SON Souleymane. En ayant une approche qu'on pourrait qualifier d'administrative il évite les écueils du misérabilisme. Chez lui le regard n'est jamais manichéen, et le "suspense" ne tombe pas dans le putassier comme parfois chez les Dardenne à qui on ne peut que penser.
Les trente premières minutes sont à la fois une prouesse technique et un "Vis ma vie" suffocant. Suffocant, terme qui pourrait s'appliquer de même à l'entretien final, où toute la cruauté et la stupidité du système éclatent. Sans oublier l'humanité que Lojkine a l'intelligence et l'honnêteté de prêter même à ceux qui sont là pour faire bêtement respecter les règles.
Mention spéciale à Abou Sangare, révélation absolue, et Nina Meurisse, la "Camille" devenue agente de l'OFPRA sans prénom ni nom, mais avec toutes les nuances d'une grande actrice.