Film social par excellence, L'histoire de Souleymane nous embarque dans le quotidien d'un travailleur sans papier, livreur pour une plateforme numérique dans les rues de Paris. A l'image de A plein temps d'Eric Gravel avec Laure Calamy, le film est une course effrénée où, malgré tous ses efforts, le héros court après son destin, toujours en retard, jamais à la hauteur des exigences qui lui sont imposées.
A l'arrière du vélo de Souleymane, le spectateur accède à une réalité parallèle : celle des travailleurs illégaux, des sans papiers, des invisibles... Pour ces jeunes pleins d'espoir, il faut se battre pour survivre dans la jungle de la ville. Chaque journée qui commence semble être un tourbillon sans fin pour le personnage principal : se réveiller à l'aube pour réserver un lit auprès de l'assistance sociale, louer un compte uber eats, payer des conteurs d'histoires pour espérer avoir le droit de travailler en France.
Souleymane, joué par Abou Sangaré, lui même sans papiers et ayant vécu un parcours similaire, est touchant d'humanité. De ce personnage se dégage une dignité qui n'inspire aucun misérabilisme, plutôt de l'admiration face à l'abnégation totale du jeune homme. Révélation au Festival de Cannes, l'acteur, aujourd'hui mécanicien à Amiens, a vécu la galère et son récit de vie n'est pas très éloigné de celui du personnage. Lui aussi a quitté son pays, la Guinée, pour venir en aide à sa mère, atteinte d'une maladie mentale et, lui aussi, a connu l'enfer des interrogatoires pour obtenir un titre de séjour et la peur constante de se faire arrêter par la police. Heureusement, dans sa course effrénée, le personnage rencontre un peu d'humanité, au détour d'un café offert, d'une personne âgée esseulée au 6eme étage d'un appartement ou dans la solidarité qui naît entre compagnons de misère.
Portrait extrêmement documenté du quotidien des livreurs précaires, l'Histoire de Souleymane est un film témoin, celui d'une époque où l'uberisation est à la fois un moyen de survie mais surtout un système avilissant qui broie sans pitié les populations les plus précaires.