Après le déjà très impressionnant Camille, portrait d'une jeune journaliste partie couvrir le conflit en Centrafrique, le réalisateur Boris Lojkine réalise un nouveau coup de force avec cette histoire de jeune Guinéen sans papier, qui survit tant bien que mal en livrant des repas tout en préparant l'entretien qui lui permettrait d'obtenir un titre de séjour.
Un film qui pourrait être la deuxième partie de celui de Matteo Garrone, Moi, Capitaine, sorti en début d'année. Deux faces d'une même pièce pour raconter l'histoire de ceux qui quittent tout et risquent leur vie dans l'espoir d'un futur meilleur.
La mise en scène, mais aussi l'écriture, au cordeau, parviennent à maintenir une tension du début à la fin. L'on retient son souffle à chaque étape du périple de ce jeune exilé, qui s'apparente à un véritable parcours du combattant. Le film ne se disperse jamais et avec son approche immersive et quasi documentaire, c'est comme si nous pédalions avec lui à travers les rues de Paris.
Un regard plein d'empathie mais aussi sans concession sur notre société uberisée, qui nous renvoie à notre propre responsabilité en tant que consommateurs et qui, après un final suspendu particulièrement réussi, nous laissent seuls avec à notre conscience (sans pour autant être moralisateur), nous qui sommes tous complices de cette invisibilisation.
Abou Sangare, lui-même sans papier et casté via une association, bouleverse par l'authenticité de son jeu et la résilience de son personnage. La longue scène d'entretien finale, durant laquelle la talentueuse Nina Meurisse lui donne parfaitement la réplique, est magistrale.
Avec ses deux prix tant mérités à Cannes, dans la section Un Certain Regard (prix du jury + prix d'interprétation masculine), L'Histoire de Souleymane est l'un des films les plus bouleversants de l'année, une oeuvre importante, presque d'utilité publique, qui devrait être montrée à tous les français, en ces temps politiques agités où la parole haineuse et le rejet de l'autre sont de plus en plus décomplexés.
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