Pourquoi a-t-il quitté la Guinée ? Parce qu'il pensait qu'il serait plus heureux en France, qu'il y gagnerait mieux sa vie et pourrait ainsi offrir à sa mère atteinte d'une maladie mentale (et restée en Guinée) un lieu d'hébergement où elle serait mieux traitée. Ça n'est pas une si mauvaise raison et même, elle l'honore plutôt.
Et le réal. Boris Lojkine nous le présente gentil, motivé, plein de vie, plein de santé, de bonne volonté, courageux, travailleur, sociable, prenant sa douche quotidienne et surtout parlant couramment français, bref tout à fait acceptable. De plus, l'acteur jouant son rôle, Abou Sangaré, est très convaincant et d'une exceptionnelle sensibilité (surtout dans l'entretien final). Si bien qu'au bout de ces quatre-vingt-dix minutes haletantes, il faudrait avoir un cœur de pierre pour lui refuser ses papiers de régularisation lui permettant de travailler légalement sur le sol français. Oui.
Mais combien sont-ils à avoir comme lui une bonne raison de quitter leurs pays d'origine pour venir tenter leur chance en France ? Et serait-il juste de les rejeter parce qu'ils ont une gueule moins photogénique que Souleymane ?
Bref, L'Histoire de Souleymane est un fort bon film, bénéficiant d'un scénario bien pensé et écrit, habilement photographié et monté et surtout magnifiquement joué par un acteur non-professionnel qui interprète un rôle assez proche de ce qu'il est lui-même avec une vérité et une pudeur formidables.
Le problème, c'est que c'est aussi un plaidoyer pouvant, j'imagine, s'appliquer à des centaines de milliers de postulants potentiels, chacun d'eux ayant sa propre histoire digne d'être écoutée, sinon entendue. Et que, malheureusement, la France ne peut accueillir toute la misère du monde. C'était vrai du temps de Michel Rocard et ça l'est, je le crains, encore plus aujourd'hui.