Un Récit éternel
À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...
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le 17 août 2012
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L'Histoire sans fin ou devrions-nous plutôt dire "l'imagination sans fin".
Dans les années 80, l'Heroic Fantasy (et même la Fantasy tout court) est considérée comme un sous-genre de la littérature. Il semble donc compliqué, ne serait-ce, qu'envisager d'adapter le roman L'Histoire sans fin de Michael Ende appartenant au genre en question.
Pourtant, le livre de l'auteur a une grande popularité à sa sortie, ce qui incita le réalisateur Wolfgang Petersen à adapter cette oeuvre en film.
Par contre, si l'équipe du film est principalement composée d'allemands, ce n'est pas le cas des acteurs étant tous américains. Résultat, le film est tourné en anglais. De plus, Michael Ende, et les fans du livre, trouvant que le résultat final, autrement dit le film, est médiocre le renièrent avec fureur.
Quant au box-office au niveau du territoire américain, il fut peu favorable puisque L'Histoire sans fin ne remboursa même pas son budget. Heureusement, ce fut autre chose au niveau mondial puisque le public se déplaça en masse au point de faire de l'oeuvre de Petersen un carton.
Mais assez parlé de choses commerciales. Que raconte L'Histoire sans fin?
L'enfant Bastien Balthazar Bux est endeuillé par la mort de sa mère. De plus, il est sans arrêt embêté par des sales gosses. Pour tenter d'oublier tout ceci, l'enfant s'évade dans la lecture. Un jour, en se cachant dans la librairie, il tombe sur un mystérieux livre appelé L'Histoire sans fin.
Fasciné, il s'en empare et le lit.
Mais, loin de raconter une histoire pré-écrite, les pages du libre prennent vie grâce à l'imagination de Bastien se retrouvant plonger dans le monde de Fantasia où le guerrier Atreyu doit mener une quête pour sauver Fantasia plongé dans le Néant détruisant tout sur son passage et trouver un remède pour guérir la jeune Impératrice gravement malade.
Puisqu'on parle d'Atreyu, commençons par la première "infidélité" ayant fâché le public: le fait qu'Atreyu soit un indien dans le film alors que dans le roman, il a la peau verte. Reproche stupide car les maquilleurs avaient bien tenté de retranscrire la peau en question à l'écran mais les tests n'ont jamais été concluants. Par contre, s'il y a bien une chose à réellement reprocher au film par rapport au personnage, c'est de lui avoir donné une allure d'amérindien alors que l'acteur l'interprétant n'a pas le physique requis pour le rôle.
https://www.teenidols4you.com/blink/Actors/noahh/noahh_1229825612.jpg
Autre chose ayant mécontenté le public, le fait que Bastien qui est en surpoids dans le livre ne l'est pas du tout dans le film
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Pour un film adaptant un roman sur un personnage mal dans sa peau parce qu'il ne correspond pas à des normes physiques dites "idéales" et un autre personnage se démarquant des héros de récits classiques rien de par sa couleur de peau, Wolfgang Petersen décridibilise horriblement le roman de Michael Ende en faisant du fat-shaming et du white-washing/racisme dans son oeuvre.
Et en dehors de ça, le monde de L'Histoire sans fin était appelé Fantastiqua dans le livre (le Pays Fantastique dans une traduction plus récente) est changé en Fantasia dans le film. Bien que cela n'ait jamais été prouvé, il paraîtrait que les scénaristes ont justifié ce changement de nom en disant mot pour mot
C'est plus agréable à l'oreille.
Ce qui justifie amplement les mécontentements de l'auteur et de ses fans envers le film.
Mais en dehors de ça, que vaut le film en lui-même?
Deux mots: fé-érique!
_Et pourtant, y a pas de fées dans ce film...Bon d'accord, j'arrête les blagues nulles._
Ici, pas d'effets spéciaux les ordinateurs et la technologie n'étant pas assez développés pour en faire à l'époque.
Tout est en animatronique et filmé en direct. De plus, de nombreux acteurs sont couverts de prothèses pour renforcer la magie de ce monde imaginaire.
L'un des meilleurs exemple de ceci est le mangeur de pierres (ou plutôt géant) et qui contrairement à ce que laissent penser sa taille son physique très imposants est drôle et touchant les animatroniques étant également très expressifs. Ce qui rend leurs émotions tellement authentiques les rendant aussi humains que nous. Et cela que ce soit du côté des personnages principaux, celui des personnages secondaires et même des figurants ayant des allures tantôt humaines, tantôt plus proches des créatures mythologiques et celles de contes de fées.
Mais, pour ne pas être de mauvaise foi quand même car, parmi les personnages en animatronique, l'un d'entre eux fait très carton-pâte. Il s'agit de Gmork, sorte de loup, que l'on ne voit pratiquement jamais bouger alors qu'il est censé être une brute sanguinaire. Ce qui fait que sa présence nous sort du film.
Et, années 80 obligent, certaines incrustations ont mal vieilli et peuvent faire mal aux yeux durant le visionnage: plus particulièrement durant les scènes avec des personnages volant dans le ciel.
Au niveau des décors, par contre, c'est parfait. Tout comme Bastien au cours de sa lecture, on a vraiment l'impression d'être à Fantasia. De plus, pour donner un côté réaliste à cet environnement envahi par le Néant, les décors sont sombres y compris durant les passages comiques
Mais assez parlé des visuels, parlons maintenant des personnages.
Bastien et Atreyu sont, sans le moindre doute les meilleurs personnages du film.
En effet, Barret Oliver et Noah Hathaway interprètent des personnages étant le miroir inversé de l'autre.
-Bastien est timide et manque de confiance en lui
-Atreyu est sûr de lui
-Bastien ne sait pas se défendre et être utile à son père
-Atreyu chasse le buffle pourpre pour nourrir son peuple
-Bastien n'a aucune force physique
-Atreyu est un guerrier
Les deux enfants-acteurs se débrouillent tous deux très bien dans leurs rôles plus particulièrement Barret Oliver très touchant en enfant vivant dans son bulle pour compenser son existence peu joyeuse dans la réalité. De plus, sa voix française, à savoir Guillaume Boisseau, est dans le même ton d'authenticité de l'enfant-acteur.
Noah Hathaway, lui aussi, est un bon acteur dont chaque expression faciale reflètent des émotions authentiques; même lorsqu'il ne parle pas.
Ah, puisqu'on parle de ça. Si l'enfant-acteur est convaincant dans les scènes calmes et les séquences purement contemplatives, il est beaucoup moins naturel dans les passages angoissants et les scènes où il se mets en colère. En effet, il surjoue au point en criant comme un sale gosse qu'on aurait privé d'une friandise plutôt qu'un personnage en colère ou quand il est censé avoir peur dans des situations dangereuses.
Sa voix française, Damien Boisseau, fait plus naturelle durant ces scènes-là car on sent de la vraie colère et de la vraie peur pour des raisons plus que justifiées.
En ce qui concerne les autres personnages, notamment les Fantasiens, celui qui a le plus marqué est Deep Roy dans le rôle d'Uckûck qui, vingt et un an après L'Histoire sans fin, interpréta les Oompa Loompa dans Charlie et la chocolaterie 2005.
Et il y en a bien d'autres comme les gnomes Engywook et Urgl interprétés par Sydney Bromley et Patricia Hayes ou encore Thomas Hill dans le rôle du libraire râleur Karl Konrad Koreander.
Quant au reste du casting et de leurs VFs, c'est juste nickel. Alan Oppenheimer en adorable dragon nommé Falkor doublé par Roland Ménard est juste inoubliable. Le mangeur de pierres, également joué par Alan Oppenheimer mais doublé par George Atlas, est hilarant et émouvant. Et n'oublions pas la jeune Impératrice jouée par la petite Tami Stromach et doublée par Barbara Tissier.
Puisqu'on a parlé de personnages et de voix, parlons maintenant de la musique.
La BO de Klaus Doldinger est proche du magnifique au point que la plupart de ses thèmes restent en tête après le visionnage. Cependant, encore une fois, années 80 obligent, certaines de ses compositions ont mal vieillies et ne passent plus aujourd'hui.
De plus, la chanson du générique de début, composé par Giorgio Moroder, est très kitsch. Heureusement, le public allemand n'a pas subi cette dernière la BO allemande du film n'étant que des musiques instrumentales.
Le récit contient également de nombreux symboles que ce soit au niveau des personnages de Bastien et Atreyu.
Atreyu, c'est celui qui vit l'aventure, doit faire face au deuil, au désespoir, à la peur, devant apprendre à réavoir confiance en lui après la perte chère d'Artax. Bastien est celui qui suit ladite aventure. Cela sans que ce dernier ne sache qu'il fait également partie l'histoire malgré les indices laissés au cours du film pour nous le montrer; le fait qu'Atreyu soit l'exact opposé de Bastien et, surtout, celui que Bastien être ou encore la scène du Miroir Magique montrant aux gens voulant se voir comme parfaits tels qu'ils sont en vérité
https://www.dailymotion.com/video/xyiugq
De plus, d'autres personnages sont le reflet de métaphores comme Morla symbolisant le pessimisme et apparaissant quand Atreyu est au plus bas (ce qui est complété par la "créature de l'ombre" Gmork" étant bien plus que violent) ou encore Falcor qui, en tant que dragon-porte-bonheur, symbolise l'espoir poussant Atreyu à avancer.
Mais laissons de côté les symboles du point de vue d'Atreyu et dirigeons-nous vers ceux du point de vue de Bastien.
Durendal a fait une mini-analyse intéressante sur ce que vit Bastien à travers l'aventure d'Atreyu.
Voici ses propos
Je trouve intéressant que [l'Oracle Sudérien] soient des femmes puisque la disparition de la mère de Bastien est présente à chaque moment de l'histoire. Il n'y a d'ailleurs foncièrement que trois femmes dans le film. L'Oracle qui représenterait la Femme avec un F majuscule ou les femmes dont la désagrégation serait le résultat de l'incapacité de Bastien à se remettre de la mort de sa mère et qui pourrait faire disparaître le monde autour de lui s'il n'applique le remède. Urgl, qui représenterait la figure maternelle, mais plutôt au rang de grand-mère, et la jeune Impératrice. Elle serait, en quelque sorte, la femme avec qui Bastien pourrait refaire sa vie ou plutôt de l'acceptation de l'idée qu'un jour, une autre femme aura autant d'importance voire plus que sa mère dont l'absence est représentée par le Néant.
C'est une analyse intéressante mais Durendal a oublié un autre personnage féminin. Certes, celle-ci est plus mentionnée que montrée et lors de l'unique scène où on l'entr'aperçoit, on ne voit pas son visage. Il s'agit de la professeure de maths de Bastien. Au tout début du film, celle-ci s'adresse au père de Bastien (interprété par Gerald McRaney et doublé par Jean Roche) hors-champ et l'avertit des problèmes d'attention de Bastien à l'école rêvant en cours et étant à la traîne dans son travail. Une autre figure maternelle mettant en garde la figure paternelle au sujet des problèmes personnels de leur enfant mais qui ne peut plus le faire directement car ayant disparue avant que la figure paternelle n'ait pu se rendre compte des difficultés sociales de son fils?
Quoiqu'il en soit, hélas, Wolfgang Petersen n'a rien approfondi de tout cela. En effet, alors que le livre de Michael Ende continue après la fin de l'aventure d'Atreyu, le film, lui, s'arrête juste après le périple de ce dernier.
Certes, en tant que film, L'Histoire sans fin est intéressant car derrière son aventure se cachent pleins de symboles comme nous l'avons plus haut. Mais comme Bastien n'a été que le spectateur et non pas l'acteur de l'intrigue comme il l'est devenu dans la deuxième partie inadaptée, on a une sensation d'oeuvre inachevée ayant grandement besoin d'être complétée.
Ici ma critique de L'Histoire sans fin II
https://www.senscritique.com/film/l_histoire_sans_fin_ii/critique/302309287
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Créée
le 28 févr. 2024
Modifiée
le 29 févr. 2024
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